4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Quelle professionnalité pour les techniciens en radiologie médicale?
José Pires Jorge  1, 2@  
1 : Centre de Recherche sur la Formation  (CRF)  -  Site web
Conservatoire National des Arts et Métiers [CNAM] : EA1410
2, rue Conté 75003 Paris -  France
2 : Haute École de Santé Vaud / HES-SO (SWITZERLAND)  (HESAV / HES-SO)  -  Site web
Avenue de Beaumont 21 1011 Lausanne -  Suisse

Le métier, dit en Suisse, de technicien en radiologie médicale (TRM), désigné par manipulateur en électroradiologie en France et par technologue en imagerie médicale en Belgique, est en profonde mutation aussi bien dans leurs activités de relation avec les patients que celles ayant trait aux transformations permanentes des outils technologiques. Cette mutation est repérable à travers la généralisation des technologies numériques et des pratiques de normalisation et de certification (radioprotection, assurance de la qualité, droits des patients, procédures administratives) qui caractérisent la production des prestations radiologiques actuelles. Ces transformations font en sorte que le travail actuel de ces praticiens réside autant en une activité de communication et de manipulation de significations qu'en la manipulation d'objets techniques. Il s'agit d'un métier, initialement appris « sur le tas », qui fait l'objet d'un processus de professionnalisation complexe où se croisent les tensions entre les logiques de la médecine scientifique moderne et des pratiques de soins contemporaines. Il en découle une professionnalité instable (Wittorski 2007, Jorro et al. 2011, Demazière et al. 2012, Jorro 2014), peu étudiée par les sciences humaines et sociales, ce dont atteste, en première analyse, les différentes appellations du métier, par exemple, dans les pays francophones.

Méthodologie et méthode de la recherche

Nous avons mis en œuvre une méthodologie d'analyse du travail réel en référence aux acquis théoriques et méthodologiques d'une clinique de l'activité par l'utilisation de la méthode des auto-confrontations simples et croisées (Clot 2001, 2008). Les enregistrements vidéo de séquences d'activité et les discussions qu'ils ont sollicitées, ont été effectués dans les services de médecine nucléaire, de radiothérapie et de radiodiagnostic d'un hôpital suisse, en réunissant trois binômes de TRM appartenant aux trois services indiqués (donc onze séquences filmées d'activité, six auto-confrontations simples et trois auto-confrontations croisées). Cette approche a permis de transformer les objets de l'activité en objets de discours, et ainsi, de développer une mise en discussion des performances et des compétences nécessaires à la réalisation efficace du métier, tant vis-à-vis des patients que dans la relation avec les médecins.

Traitement et analyse

Une analyse de contenu thématique de type inductif a été effectuée sur la transcription intégrale des enregistrements vidéo. Les difficultés rencontrées dans l'appropriation d'instruments technologiques en constant développement ont été un des thèmes abordés. Lors de la communication nous mettrons l'accent sur un des principaux résultats acquis à ce stade qui a mis en visibilité la complexité de leur posture relationnelle dans la réalisation de leur activité concomitamment technique et relationnelle. La situation analysée porte sur la relation discursive établie par les professionnels avec une très jeune patiente et son père. Cette complexité conjugue la gestion des questions teintées d'anxiété et d'inquiétude des patients face aux images radiologiques en train de se faire et l'intériorisation de la prescription médicale de rien dire sur le diagnostic. Ceci suggère un des aspects central de le leur activité, dont la répétition est telle qu'il se trouve à être alors extrêmement banalisé, et par là peu explicité : la possibilité mais aussi les limites de leur compétence diagnostique, que l'expérience développe mais que leur formation initiale prive de légitimité.

Discussion et éléments de débat

Dès lors, un trait significatif de l'actuelle professionnalité des TRM semble relever de l'embarras qu'ils vivent face à un savoir « diagnostic » qu'ils peuvent avoir intégré, au cours de l'expérience professionnelle, et les limites mêmes de ce savoir, qu'ils reconnaissent facilement mais dont les compétences, en l'absence de légitimité en formation et dans la pratique professionnelle, restent à penser. En conclusion, nous présenterons des éléments d'élucidation et de débat visant à répondre à quelles conditions épistémologiques et sociales les méthodes dialogiques sont susceptibles de contribuer à une intelligibilité d'une professionnalité en devenir du fait de leur dualité d'être simultanément des méthodes d'intervention et de production de connaissances. 

Références :

Clot Y., Faïta D., Fernandez G., Scheller L. (2001). Entretiens en autoconfrontation croisée : une méthode en clinique de l'activité. Education Permanente, 146, 17-25.

Clot, Y. (2008). Travail et pouvoir d'agir. Paris : Presses Universitaires de France.

Demazière D., Roquet P., Wittorski R. (2012). La professionnalisation mise en objet. Paris : Éditions L'Harmattan.

Jorro, A. (2014). Dictionnaire des concepts de la Professionnalisation. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.

Jorro, A., De Ketele, J.-M. (2011). La professionnalité émergente: quelle reconnaissance? Bruxelles: De Boeck.

Wittorski R. (2007). Professionnalisation et développement professionnel. Paris : L'Harmattan.

 


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