Depuis la Loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République en 2013, la notion de bienveillance a fait son apparition dans la pluralité des discours éducatifs. Certes, une relecture attentive de l'Histoire montrerait une présence discrète et ancienne de ce terme dans le contexte scolaire.
Pour Vincent Peillon, initiateur de la Loi, les politiques éducatives doivent faire en sorte de proposer « [...] une école de la confiance, de l'estime de soi et, osons le mot, de la bienveillance » (Peillon 2013). La bienveillance semble convoquée ici dans un registre « psychologique » ou « affectif » à promouvoir. Mais cela signifie en creux que certaines pratiques présentes à l'école devraient être bannies parce que n'aidant pas voire excluant l'élève.
Peillon, dans un ouvrage où s'articulent prises de position, diagnostic et ébauche de programme, use d'une stratégie utilisée par d'autres avant lui. Derrière un mot certes désirable (la bienveillance) qu'il paraît difficile de contester, il faut mesurer l'ampleur des enjeux et la singularité d'un projet général. User du concept de bienveillance ne vise donc pas (seulement) à servir un discours de politique générale sur l'école, mais à changer les pratiques réelles ou supposées des acteurs de l'Éducation Nationale, et plus précisément des professeurs.
Que les directives, circulaires et autres lois puissent avoir comme but de modifier des pratiques existantes, en matière d'éducation comme ailleurs, il n'y a là rien de surprenant. Ce qui est plus rare en revanche, c'est de vouloir mener à bien cette mission en en appelant moins à des institutions qu'à une certaine éthique. Vincent Peillon incite les professeurs à adopter, si ce n'était déjà fait, une éthique professionnelle dont la bienveillance serait valeur cardinale. La promotion, par le ministère d'une valeur vaut comme injonction pour les professionnels, à la respecter, c'est-à-dire, à agir conformément à elle.
À partir de ce constat, cette communication se propose de définir la bienveillance d'un point de vue conceptuel. Notre interrogation vise la réhabilitation d'une position vertuiste en matière d'éthique professionnelle, position difficile et pourtant nécessaire dans la mesure où la mission professeur nous semble excéder le simple cadre du métier.
Aristote, (2004), Éthique à Nicomaque, (Trad. Richard Bodéüs). Paris : Flammarion
Dewey, J., (1993). Logique : la théorie de l'enquête. (Trad. G. Deledalle). Paris : PUF.
Peillon, V., (2013) Refondons l'école. Pour l'avenir de nos enfants. Paris : Seuil, p. 42
Prairat, E., (2009), De la déontologie enseignante. Paris : PUF
Prairat, E., (2013), La morale du professeur. Paris : PUF
Putnam, H., (2004), Fait/Valeur, la fin d'un dogme. Paris : L'Éclat