La question du « didactique », c'est-à-dire des compétences professionnelles associées aux processus de transmission et d'acquisition de contenus de savoir ne peut manquer d'être abordée pour des professeurs des écoles en formation. Un grand nombre d'items technico-didactiques du questionnaire y font référence. Nous parlons d'items technico-didactiques parce que faire la classe, y développer le « faire apprendre » est une activité technique tant dans la phase de conception que dans celle de mise en œuvre.
Nous nous intéressons à la place de ces items dans les trois enquêtes. En ce qui concerne les rangs, on assiste à des évolutions contrastées. Tandis que les items consacrés aux méthodes de travail, à l'apprentissage de la langue française et à l'interdisciplinarité progressent en importance, tous les autres connaissent un retrait, particulièrement les trois items associés à l'évaluation.
L'Analyse Statistique Implicative apporte de nouveaux éléments. En 2007, le domaine didactique est riche (structuré) et alimenté par des variables de nombreux autres réseaux. Il apparaît central pour la réussite de l'élève et même l'établissement d'une relation de confiance prend une coloration didactique. En 2012, le réseau des variables didactiques a éclaté et ses éléments sont mis au service d'autres réseaux. L'item des méthodes de travail est un peu plus attracteur que les autres tout en étant parfaitement isolé des autres items didactiques. En 2015, le réseau didactique est aussi éclaté : il ne se structure et n'est associé à d'autres réseaux que dans le cadre de l'apprentissage de méthodes et dans celui de la langue française. La réussite de l'élève ne dépend plus de lui comme en 2007.
On en vient alors à se demander quelle est la place des savoirs à transmettre et à faire construire aux élèves ? Quelques entretiens complémentaires ont mis en évidence une grande distance entre les items d'enjeux éducatifs et les items technico-didactiques. Tout se passe comme si le didactique ne portait pas d'enjeux éducatifs et inversement, les enjeux éducatifs pouvaient se construire sans enjeux de savoir. Pour autant, les enquêtés soulignent pendant ces entretiens des découvertes portées par des interventions autour de la prise en compte des représentations des élèves ainsi que par des approches épistémologiques qui leur « font voir les choses autrement ».
Regard réflexif sur la question de recherche : comprendre pour proposer
Nous aborderons la question de ce qu'est connaître avant peut-être même de comprendre. Pour produire de l'intelligibilité, encore faut-il s'interroger sur l'interprétation que les enquêtés donnent aux items proposés. Quelle réception ont-ils des items qui, pour nous chercheurs, ont une dimension didactique ? Dans quelle mesure la formation qu'ils ont reçue – et l'image qu'elle a construite du « didactique » - est impliquée dans leurs réponses ? Ces questions doivent être posées pour mettre en place une ingénierie de formation travaillée avec les formateurs eux-mêmes, autour d'un problème commun que la recherche permet de poser. A savoir, la dérive techniciste d'un « discours didactique » en formation qui valoriserait une « technologie » de l'enseignement au détriment des besoins des élèves ?
Références bibliographiques
Bishop, M.-F. & Cadet, L. (2015). Circulations, usages et transformations des concepts en formation. Le Français aujourd'hui. 188, 5-14
Geay, A. & Sallaberry, J.-C. (1999). La didactique en alternance ou comment enseigner dans l'alternance ? Revue française de pédagogie, 128, 7-15.
Mayen, P. (2012), « Questions d'apprentissage dans les formations par alternance ». Education permanente. 193, 53-62.
Pastré, P. (2007). Quelques réflexions sur l'organisation de l'activité enseignante. Recherche et formation, 56, 81-93.
Schneuwly, B. (2012). Praticien réflexif, réflexion et travail enseignant : l'oubli de l'objet et des outils d'enseignement. In M. Tardif, C. Borges & A. Malo (dir.). Le Virage réflexif en éducation. Où en sommes-nous 30 ans après Schön ? (pp . 73-91). Bruxelles : De Boeck.