4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Le travail conjoint chercheur-enseignant : proposer, partager et expérimenter le partage des savoirs
Sylvie Sognos * , Cecile Gardies  1@  , Laurent Faure * @
1 : Education, Formation, Travail et Savoirs  (EFTS)  -  Site web
École Nationale de Formation Agronomique - ENFA, Université Toulouse le Mirail - Toulouse II : MA122
Université de Toulouse II - Maison de la recherche UMR EFTS 5, allées Antonio-Machado F - 31 058 Toulouse Cedex 9 Ecole Nationale de Formation Agronomique UMR EFTS BP 22687 2 route de Narbonne 31 326 Castanet Tolosan cedex -  France
* : Auteur correspondant

Postulant d'un lien intrinsèque entre propositions et savoirs, le travail conjoint entre chercheurs et enseignants peut se dévoiler comme un activateur de processus d'innovation des pratiques d'enseignement et de recherche. Dans une logique d'articulation, le partage du travail peut offrir aux différents acteurs les moyens de s'engager sur de nouvelles voies. Si « la sociologie de l'innovation analyse et définit l'innovation comme un processus complexe qui implique une chaîne d'acteurs, qui s'associent et opèrent dans une perspective de pouvoir » (Labelle, 2015), on peut dire que le caractère itératif dont relève la proposition d'un agir conjoint, peut s'affirmer comme une construction collective en fonction des intérêts particuliers et communs dont les équipes mixtes établissent les conditions de développement. Il parait cependant « indispensable de penser les relations entre les acteurs du projet et leur façon d'éclairer les conditions de production des savoirs. L'organisation entre les partenaires est déterminante et joue un rôle prépondérant dans les orientations du projet : cela comporte des implications sur la nature du produit, et la nature des savoirs (étant donné que le savoir ne se produit plus dans les mêmes conditions)...C'est un exercice d'échanges et de reconnaissance qui à toutes les étapes du projet révèle le difficile équilibre entre possibles et contraintes » (Labelle, 2015). Or, pour partager le travail et peut-être partager par là-même les savoirs, il semble qu'un certain nombre de contraintes et d'obstacles doivent être levés. Par exemple, la logique de la recherche quand elle est organisée autour d'un projet, c'est-à-dire une organisation structurée vers une finalité, est amenée à déployer des formes et une temporalité différente. De même, les enseignants doivent se départir du poids de la pratique pour accepter au travers de moments parfois longs d'incertitudes, de ne pas percevoir la finalité qu'ils attendent. Il y a dans cette forme de travail partagé, une part créative qui émane d'une architecture des dispositifs mis en place spécifiquement. Ces dispositifs permettent une implication conjointe stratégique pour les acteurs et inscrivent l'action dans une croyance du pouvoir faire et du pouvoir dire. Cette logique opère une programmation et suppose que les chercheurs impliqués anticipent la nature des savoirs produits ou tout du moins qu'ils soient en mesure de les spécifier à chaque étape de la réalisation du projet. Néanmoins c'est l'horizon commun, qui s'accompagne d'actions précises et délimitées dans le temps, qui permet de définir un cadre à l'expérience collective. Le partage du travail entre chercheurs et enseignants peut offrir un espace propice aux interactions où la complémentarité des expertises est reconnue pour poser une réflexion partagée sur un objet, l'objet du projet. En cela, nous nous rapprochons du design-based research tel que défini par exemple par Amiel et Reeves en 2008 qui se base sur un processus itératif. Le travail partagé peut offrir un environnement favorable à la co-production de savoirs à partir des valeurs, de la communauté d'intérêts qui se crée, et de l'engagement de chacun, « la pratique de recherche est alors poussée à l'articulation entre production, objets de savoir et relations » (Labelle, 2015), autrement dit, il s'agit de confronter les théories à des situations complexes. Du point de vue des chercheurs, la difficulté réside dans le fait de penser la recherche comme une activité professionnelle « qui engage un dialogue nouveau entre les chercheurs et leurs pratiques d'écriture » (Piponnier, 2015), où la mesure de la distance/proximité par rapport à l'objet tout au long du projet reste de l'ordre du défi. Il nécessite alors un rapport conscient à cette implication, c'est-à-dire de prendre en charge les risques, de définir clairement les objectifs scientifiques, les processus de médiation. On observe « un déplacement de l'implication comme croyance dans l'objet vers la conviction de l'intérêt qu'un processus de création et de conception d'un tel objet offre à la pensée » (Labelle, 2015). Peut-on parler d'hybridation des pratiques qui articule, grâce à l'intelligence collective, production de savoirs et activité de conception, formalisée par une forme de prise en charge épistémologique et une réflexivité sur les pratiques ? Quels sont les enjeux et les périmètres des espaces de médiation des savoirs (Gardiès, 2015) ainsi créés ?

Nous proposons d'ancrer cette réflexion dans deux expérimentations de travail partagé entre enseignants et chercheurs. Une première dans la discipline documentation qui se déploie depuis 5 ans et une seconde dans la discipline agroéquipements qui se développe depuis deux ans, dans l'enseignement agricole. Du point de vue théorique nous éclairerons les questions soulevées en mobilisant les concepts de pratiques d'enseignement, de travail partagé, de savoirs et de médiation. Du point de vue méthodologique, et à partir d'une approche basée sur le design based research, nous présenterons des données recueillies au travers d'un focus group (Sognos, 2015), d'entretiens collectifs (Fauré, 2015) et d'observations du matériel technique, discursif et symbolique qui se construit dans ces environnements (Sognos, Fauré, 2015). Nous discuterons enfin ces résultats en tentant de saisir ce qui fait sens pour les acteurs en s'appuyant sur ces « composites » définies comme «des situations au sein desquelles des individus mobilisent à la fois la signification d'objets matériels et des représentations, réalisent des actions et mettant en œuvre des systèmes de normes ou des règles opératoires » (Babou, Le Marec, 2003).

 Regard réflexif : il s'agira de discuter de la pertinence et des enjeux du partage du travail vu comme résultant et débouchant sur des propositions pour partager les savoirs, ceux issus des pratiques d'enseignement et ceux issus des pratiques de recherche. Nous interrogerons particulièrement les contours d'un espace de médiation potentiellement propice à une co-construction de savoirs spécifiques relevant des deux champs.



  • Autre
Personnes connectées : 1