4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Le pouvoir de la preuve en tant que promesse de pouvoirs sociaux : le cas des patients-enseignants
Olivia Gross  1@  
1 : Laboratoire Educations et Pratiques de Santé, EA3412, F-93017, Bobigny, France
université Paris 13 : EA3412

Dans le cadre de la démocratie en santé qui ne cesse de s'étendre et de s'actualiser, certaines facultés de médecine s'interrogent actuellement sur les rôles qui pourraient être confiés aux patients dans le cadre de l'enseignement des futurs médecins. Suite à une proposition émanant de patients experts, d'enseignants de médecine générale et de chercheurs du LEPS EA3412, le doyen de l'UFR de médecine de Paris 13 a décidé de soutenir l'intégration de la perspective des patients-enseignants dans le cursus de médecine générale, aussi bien dans sa gouvernance, que dans l'enseignement. Les étudiants en médecine vont donc être immergés dans la « perspective patient » au moyen de méthodes interactives et de tutorats individualisés. Par « perspective patient » ou « point de vue du patient », nous entendons à ce stade une épistémologie propre aux patients, basée sur leur expérience (personnelle et collective) de la vulnérabilité provoquée tant par la maladie que par l'exposition au système de soins, ainsi que sur leur passions (cognitive et conative) les poussant à s'engager comme acteurs du système de santé pour contribuer à en améliorer la qualité au profit de leurs pairs (Gross, 2015).

 

Deux hypothèses guident la recherche :

  • les patients ont une expertise qui complète celle des enseignants traditionnels,
  • ce nouveau rôle s'avèrera être un levier paradigmatique qui va contribuer à transformer la relation médecin/malade.

 

Ces hypothèses amènent à :

- décrire les caractéristiques de la « perspective patient » dans ce type de dispositif de formation, ce qui va notamment conduire à identifier - voire dans certaines situations à créer - les contours de l'identité de « patient-enseignant »,

- à revisiter les modèles de la relation médecin/malade appelant à un rééquilibrage,

- et à caractériser : les savoirs à enseigner, les savoirs pour enseigner ; l'acceptabilité et les effets de ces enseignements.

 

Notre réflexion, à la croisée des sciences de l'éducation, de la sociologie des mouvements sociaux (Neveu, 2015) et de celle des professions (Demailly, 2008), ne peut se laisser réduire aux activités d'enseignement des patients. En effet, une fois leurs effets démontrés, les savoirs des patients vont être légitimés dans ce nouveau cadre. Cela ne sera pas sans conséquences sur le mouvement des patients en tant que groupe collectif cherchant à accroître ses possibilités d'action.

 

Ces résultats attendus interrogent la neutralité de la recherche en tant qu'instrument ayant le pouvoir de légitimer des revendications sociales. On peut se demander si la recherche, avec son potentiel de plaidoyer, est ou pas dans son rôle quand elle contribue dans le même mouvement à fabriquer les acteurs sociaux et à les légitimer. De plus, la recherche, aussi neutre soit-elle, oriente les pratiques et il y a toujours le risque que la description dérive en prescription et finisse par scléroser les figures qu'elle fait émerger, ce qui dans ce cas précis altèrerait l'une des qualités qui sous-tend l'engagement des patients, à savoir la « force rebelle de la passion » (Roux, 2009). Telle sera la question fil rouge qui sous-tendra l'analyse de cette expérience.

 

 

 

 

 

Références

DEMAILLY, L. (2008) Politique de la relation, approche sociologique des métiers et activités professionnelles relationnelle, Villeneuve d'Ascq, Presses du Septentrion.

 

GROSS, O. (2015). De l'institutionnalisation d'un groupe culturel à une entreprise de formation : le cas des patients-experts. Education Permanente, 202 :201-212 

NEVEU, E. (2015) Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte. 

 ROUX , J. 2009. « Les “passions cognitives” ou la dimension rebelle du connaître en régime de passion : premiers résultats d'un programme en cours ». Revue d'anthropologie des connaissances. Vol. 3, n° 3, p. 369-385.


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