Tous les élèves français de classe de première générale doivent réaliser de septembre à février, dans le cadre d'un dispositif intitulé « Travaux Personnels Encadrés » (TPE), une production originale dans le champ scolaire. Par groupes de trois ou quatre, ils doivent articuler deux disciplines de leur choix, pour traiter des sujets qui ne sont pas directement abordés dans les programmes. Sont ainsi valorisés dans les instructions officielles les sujets « originaux » mais « réalistes », qui ne doivent pas être des « montages d'informations » mais au contraire susciter le « regard critique » sur des objets tirés du monde non-scolaire. La façon dont les enseignants guident les groupes dans leur travail repose grandement, en l'absence de références explicites aux savoirs scolaires, sur leurs propres cadres d'appréhension du monde. Ainsi, plus que d'attester de gages de travail sur les contenus scolaires, le groupe idéal doit faire preuve de « bonnes idées », d'intuitions, d'un regard « original », « pertinent », sans faire explicitement référence aux savoirs scolaires, mais au contraire en mobilisant une vision scolastique du monde réel. Rapidement, la présence ou non de ces gages détermine la forme que prend le rapport pédagogique selon les groupes. D'une part les élèves jugés « vifs » sont encouragés à mobiliser les codes légitimes de la distanciation, de l'humour ou de la rhétorique de la contradiction, puisque les savoirs scolaires sont jugés comme acquis du fait de la structure scolastique du raisonnement mené pour choisir le sujet. D'autre part, les élèves jugés comme « manquant d'idées » sont conduits à se replier sur une présentation explicite des savoirs scolaires, rendant quasi-impossible toute confrontation prolongée aux catégories professorales de lecture du monde non-scolaire.

Le recours à des dispositifs libres ou ludiques, souvent pour des raisons motivationnelles, semble ainsi renforcer les liens de connivence culturelle entre enseignants et élèves proches de la forme scolaire de socialisation et les encourager à mobiliser les savoirs scolaires comme des cadres cognitifs d'appréhension du réel. Les autres, parce qu'ils travaillent sur les savoirs scolaires comme des objets, et non comme des cadres cognitifs abstraits et universels, sont tenus à distance de ce travail de scolarisation du réel. Si le terrain à l'origine de cette enquête porte sur deux ans d'observation de TPE auprès de cent vingt productions d'élèves, la communication retracera le parcours de quatre groupes d'élèves représentatifs des processus présentés, à travers notamment des extraits d'observations, de productions de TPE, d'entretiens avec les élèves et enseignants, mais aussi des appréciations formelles et informelles portées sur ces travaux.

Au travers de cette communication, nous souhaitons éclairer la manière dont la dimension socialisée des individus (ici, enseignants et élèves) peut être prise en compte comme une variable structurante, et pas seulement contextuelle, du fonctionnement de l'institution scolaire et son rôle dans le maintien de l'ordre social.

Bibliographie

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