L'école primaire est désormais un lieu ouvert où enseignants, animateurs municipaux, intervenants d'associations ou d'institutions culturelles se succèdent auprès des enfants. La journée d'école est ainsi segmentée et porteuse d'activités hétérogènes conçues selon des finalités qui peuvent être divergentes. En introduisant de nouvelles activités périscolaires prises en charge par les municipalités, la réforme des rythmes scolaires mise en œuvre depuis 2014 dans toutes les écoles françaises renforce le poids des acteurs non enseignants, à l'image du mouvement observé dans la plupart des pays occidentaux (Tardif et LeVasseur, 2010). La communication vise à interroger ce qu'une telle évolution suggère en termes de transformations du curriculum et de mécanismes de construction des inégalités d'apprentissage. Elle est soutenue par une recherche ethnographique d'orientation sociologique entreprise dans sept écoles parisiennes socialement contrastées. Des enfants ont été suivis pendant soixante-deux journées d'école et leur activité a été observée et analysée dans les différents « segments » fréquentés pour tenter d'en tirer un sens global.
La communication s'appuie sur une situation de visite au musée organisée dans le cadre d'un projet durant le temps scolaire, encadrée par une conférencière en présence d'une enseignante, pour montrer comment la participation à l'activité thématique suppose des enfants son rattachement à une discipline qui lui confère un sens scolaire. Faute d'une telle référence, très peu explicitée par les encadrantes, les enfants réalisent la tâche sans paraître en saisir les enjeux, sans que cela ternisse le bilan positif dressé par l'enseignante ou la satisfaction des parents. Ainsi, la définition de l'activité par le biais de critères peu dévolus n'entrave pas le fonctionnement de l'institution mais renvoie les enfants aux inégalités de leur milieu social face aux attentes de l'école (Rochex et Crinon, 2011). Elle dessine plus généralement l'image d'une école mosaïque qui développe, pour les enfants qui en maîtrisent les codes implicites, la capacité à se mouvoir dans une société hétérogène et volatile, mais tend à poser des problèmes d'affiliation pour d'autres enfants, souvent issus des milieux populaires.
La communication initie alors une réflexion sur l'enjeu, dans un monde contemporain où la cohésion sociale est en partie mise à mal (Dubet, 2014), du traitement par les sciences de l'éducation de la question des processus de construction des inégalités scolaires, réflexion poursuivie dans la dernière partie du symposium.
Bibliographie :
Dubet F. (2014), La préférence pour l'inégalité comprendre la crise des solidarités, Paris, Seuil, 110 p.
Rochex, J.-Y. et Crinon, J. (dir.) (2011), La construction des inégalités scolaires : au cœur des pratiques et des dispositifs d'enseignement, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 212 p.
Tardif M. et LeVasseur L. (2010), La division du travail éducatif : une perspective nord-américaine, Paris, Presses universitaires de France, 208 p.