4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Les freins à la préscolarisation : analyse de deux dimensions de la recherche (le territoire et la question de l'orientation)
Sylvie Condette  1@  , Michael Bailleul, Sylvain Obajtek * @
1 : Centre Interuniversitaire de Recherche en Education de Lille  (CIREL)  -  Site web
Université Lille III - Sciences humaines et sociales : EA4354
Domaine universitaire du pont de Bois 59650 Villeneuve d'Ascq - France -  France
* : Auteur correspondant

1/ La dimension territoriale dans le non-recours à la préscolarisation. Existe-il un effet quartier ? 

Cette première partie interrogera un paradoxe lié à la préscolarisation des enfants issus de quartiers prioritaires. Alors que les indicateurs montrent que ces territoires cumulent nombre de difficultés socio-économiques et socio-sanitaires (chômage, précarité, échec et décrochage scolaires, bas niveaux de qualification, inégalités sociales de santé...) - et notamment liée à la question scolaire (problématiques de socialisation scolaire, environnements peu propices, incompréhension des implicites attendus par l'école...), beaucoup de familles ne mobilisent pourtant pas cette offre éducative. Autrement dit, si elles en ont accès, elles n'y recourent pas forcément. De nombreuses recherches montrent les logiques internes à ces territoires dans lesquels les habitants y ont développé des sentiments d'appartenance étroits face aux processus de stigmatisation qui leur assignent une imagerie négative. Dans un tel contexte, nous questionnerons comment et en quoi peut-il exister un « effet quartier » que les politiques publiques peinent à compenser. Ainsi, nous convoquerons l'hypothèse qu'il existe des dimensions territoriales actives dans les mécanismes de freins à la préscolarisation. En d'autres termes, pouvons-nous parler d'habitus territorial ? A partir d'une enquête quantitative par questionnaires, enrichie d'un versant qualitatif (observations et entretiens semi-directifs) - réalisée dans des territoires prioritaires lillois, nous montrerons que les phénomènes d'appropriation (voire de revendication) territoriale(s) ont des effets non négligeables dans les obstacles au recours à la préscolarisation.

Bibliographie indicative

Avenel, Cyprien (2004). Sociologie des “quartiers sensibles ”, Paris : Armand Colin.

Dubar, Claude (2015). La socialisation. Paris : Armand Colin (5ème éd.).

Grapfmeyer, Yves (2005). Sociologie urbaine, Paris : Armand Colin

Van Zanten, Agnès (2012). L'école de la périphérie. Scolarité et ségrégation en banlieue, Quadrige, PUF.

 

2/ Penser une orientation au plus jeune âge de la vie ?

Blanchot (1969), dans son ouvrage L'entretien infini, voit la réponse comme le malheur de la question. Pour ce dernier, ce travail de la question décrit le mouvement même d'une recherche, recherche qui lie pensée et existence en une expérience fondamentale, (...) c'est-à-dire d'une méthode, et cette méthode étant la conduite, le mode de se tenir et d'avancer de quelqu'un qui s'interroge » (1969, p. 2). Cette considération n'est pas étrangère à la thématique de l'orientation au sens large du terme et à tous les âges de la vie. Polysémique et lexicalement ambigüe, la notion d'orientation cache en effet mal son statut de notion vague, d'usage courant, appartenant à la vie ordinaire et intrinsèquement liée à l'intuition. L'orientation relève du domaine de l'implicite, du latent et échappe à toute tentative de rationalisation : elle revêt un caractère multidimensionnel et existentiel (Danvers, 2009). A ce niveau, si la période préscolaire en France constitue potentiellement le point de départ d'une réussite scolaire ultérieure, le choix de certaines familles de retarder la scolarisation de leur enfant ne semble pas neutre en termes de projection de sens. Cette « question socialement vive » peut nous renvoyer ici au sens que porte chaque individu dans son rapport à l'orientation, rendant potentiellement compte de l'expression de représentations, de valeurs et d'intérêts pluriels pour cette question.

Cette seconde partie se propose de mettre au travail un ensemble d'éléments susceptibles de nous éclairer sur la possibilité de penser une orientation au plus jeune âge de la vie : Quelle est l'influence de la trajectoire individuelle et personnelle des parents par rapport aux décisions qu'ils prennent pour leur enfant à ce niveau ? Comment se projettent-ils dans leur rôle en termes d'accompagnement éducatif ? Retarder la scolarisation de son enfant renvoie-t-il à une orientation de vie singulière ? De manière générale, comment les principaux « acteurs » de cette période préscolaire se reportent-ils dans leur activité et mission éducative à des croyances et des intentions qu'ils problématisent « eux-mêmes, à eux-mêmes, pour eux-mêmes » (Canguilhem, 1947, p. 135) ? Le cas échéant, quelles sont les logiques d'action à l'œuvre ? Penser en termes de « logiques » permettra ici d'entrevoir les « systèmes de représentations et de valeurs qui vont orienter l'action vers un but précis [...] elles définissent des points de vue, des catégories de jugement et des registres de qualification spécifiques de l'action » (Saccomanno, 2011, p. 41).

Nous montrerons notamment que la question de l'orientation et sa modulation peut constituer l'horizon de sens à partir duquel se détache les problématiques liées aux choix de certaines familles de retarder la scolarisation de leur enfant. Dans cette perspective, un des freins à la préscolarisation ne serait-il finalement pas à entrevoir dans la manière dont la « chose publique » programme, pense et se saisit de ces problématiques ?

Bibliographie

Blanchot, M. (1969). L'entretien infini. Paris : Gallimard.

Canguilhem, G. (1947). Milieu et Normes de l'Homme au Travail. Cahiers internationaux de sociologie (3), 120-136.

Danvers, F. (2009). S'orienter dans la vie : une valeur suprême ? Essai anthropologique de la formation. Villeneuve d'Ascq : Presses Universitaires du Septentrion.

Saccomanno, B. (2011). L'intermédiation à la croisée des logiques d'acteurs : Les psychologues du travail. Formation-Emploi, (114), 39-54.



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