Dans le monde du travail, les dispositifs de prévention ne prennent en compte que les risques liés à l'activité professionnelle. Ce du fait des enjeux et du coût tant sur le plan humain que sur le plan économique. La réglementation est contraigniante pour les employeurs et complexe pour les acteurs. Néanmoins pour la prévention des atteintes à la santé non liées à l'activité, il n'y a aucun dispositif, d'autant que les mêmes effets sont constatés tant au niveau du coût que de l'organisation du travail.
La question de départ est; "Selon quelles modalités mettre en place des actions d'éducation à la santé dans le monde du travail, au sens du travail en santé? Ceci par delà les obligations réglementaires en matière de santé au travail."
Nous abordons cette question par un travail de recherche au sein des SSIAD (Service de soins infirmiers à domicile) où le responsable d'entité a un parcours professionnel singulier, étant dans une posture qui lui impute plus un genre professionnel qu'une identité professionnelle. La revue bibliographique n'est pas exaustive car très orientée sur les questions et travaux d'éducation à la santé avec très peu d'approche par le travail. L'enquête exploratoire nous a permis d'identifier le paradoxe de santé chez des professionnels de santé qui ont des comportements pas très favorables à leur propre santé. Ainsi les responsables d'entité, qui doivent non seulement s'assurer de la qualité de la prise en charge des patients par les personnels, se trouvent devant une problématique qui est la prise en compte du paradoxe de santé identifié chez les personnels, pour la mise en place d'actions d'éducation à la santé. En quoi cette approche impacterait les comportements des personnels pour le travail en santé et la santé au travail?
Nous nous trouvons dans un contexte où les responsables d'entité, dans leur posture de dirigeant, doivent donner l'exemple(TORES), centrer la démarche de prévention santé sur les personnels au préalable des patients, ce dans une transparence qui favorise le dialogue social. La mise en application de ces valeurs soulève la question des représentations sociales dans le contexte du travail. Pour ce faire nous convoquons le champ de la clinique du travail (Clot, Lhuillier, Dejours,Molinier) pour l'angle du genre professionnel comme un processus souscrit par le parcours des responsables d'entité, ainsi que le champ des représentations sociales (Abric, Jodelet, Moscovici) pour la question des représentations de la santé et de l'approche conative de l'engagement à l'acte. Cette complétude des théories nous permet d'être dans un processus laminaire de construction de l'objet de la recherche, afin de mieux appréhender les caractéristiques de l'activité des responsables d'entité et des personnels.
La méthode de recherche s'appuie sur des entretiens selon le concept des entretiens semi-dirigés couplé à la technique de l'association libre ou des chaines associatives pour les représentations. Nous recueillons les données du parcours professionnel de chaque responsable d'entité, afin de dégager les différents profils et comprendre leur impact ou interaction sur la conation et le sens donné aux actions d'éducation à la santé pré-conçues par les responsables d'entité. Pour mieux comprendre l'interaction qu'il y a entre le contexte, les représentations et les comportements, nous étendons l'échantillon à une aide-soigante et une infirmière dans chaque SSIAD.
Les données recueillies nous montrent qu'il y a deux approches différentes qui rejoignent les représentaions de la population en matière de prévention santé et de démarche conative pour la sauvegarde du capital santé. En ce sens que ces données font appel à des théories élaborées sur les comportements et le mécanisme représentationnel en matière de pistes de solution. En d'autres termes les théories de l'externalité en matière de solution sont aussi, voire plus prise en compte que le concept de l'internalité. Donc en toile de fond d'un conflit de critère, qui doit être nourrit pour exploiter la zone de développement potentiel des personnels selon CLOT, il y a un enjeu fondamental en matière de positionnement comme acteur de leur propre santé, les extirpant de leur posture d'agent. Les actions d'éducation à la santé qui seraient mises en place s'inscriraient donc dans ce processus de développement et d'acteur, tandis que les actions basées sur l'externalité proposées par la hiérarchie viendraient comme une récompence sur fond de jugement de gratitude, les maintenant ainsi dans cette posture d'agent. Il ne s'agit pas là de faire ou de conseiller un quelconque choix de la part du chercheur, mais de caractériser la démarche pour bien situer et cadrer les objectifs et les critères de chaque action. Le regard réflextif porté à la question de départ pour cadrer avec le thème tranversal du congrès prend en compte le parcours du chercheur en tant que professionnel de santé, d'animateur de prévention et de formateur ainsi que la question de l'efficacité des actions qui, à l'évaluation, ne donnaient pas de résultats satisfaisants en matière de changement de comportement.
La réflexion sur le questionnement de ce que nous cherchons se cible plus sur les enjeux liés à l'éducation à la santé dans le monde du travail que véritablement sur les modalités. Néanmoins, ces modalités impactent les enjeux car il font appel à la théorie de la communication engageante (JOULE-BEAUVOIS), des théories de l'appentissage, de l'andragogie et des mécanismes formationnels par les expériences (CHARLIER). La notion de santé au travail évolue dans un contexte sociétal où l'espace de travail est devenu un lieu de vie et plus tout simplement un espace d'activité utile socialement. Introduire la notion de travail en santé fait sens par ce fait, ce qui contribue au développement de l'homme, situe l'entreprise dans sa RSE (Responsabilité sociale et sociétale d'entreprise) pour favoriser l'émergence de véritables acteurs soucieux de préserver leur santé, celle du collectif et surtout avoir un impact sur la société et l'environnement et donc sur le futur. D'autres auteurs du champ de la psychologie sociale notamment sont convoqués à l'analyse des données afin que ce travail contribue à émettre des axes et pistes de recherches en matière de prévention santé pour tous, dans un souci de contextualisation. Le profil et les compétences des intervenants seront à explorer pour un savoir agir selon des critères d'efficacité et de quête de résultats efficients. Ceci eu égard à la forte variabilité des acteurs qui ont des comportements liés à leur contexte de travail, à leurs représentations sociales et surtout à leurs expériences de vie et de santé (PIAGET).
BIBLIOGRAPHIE:
ABRIC, J. (1999). Les représentations sociales. Paris: L'Harmattan.
CHARLIER, E. (2013). Expériences des adultes et professionnalités des formateurs. Bruxelles, De Boeck
CLOT, Y. (2010). Le travail à cœur, Pour en finir avec les risques psychosociaux. Paris: La Découverte.
DEJOURS, C. (1993). Travail, usure mentale. Paris: Bayard.
DESCHAMPS, J.-C., & MOLINER, P. (2012). Des processus identitaires aux représentations sociales. Paris: Armand Colin.
JOULE, R.-V. (2015). La communication engageante. Marseille: Séminaire AMU.
TORRES, O. (2012). La santé du dirigeant. Bruxelles: De Boeck.