Contexte :
Eu égard à une pression sociale forte quant à une exigence d'efficacité, le monde de l'enseignement n'est plus un sanctuaire à part d'une dynamique d'accélération des processus, au sein d'une société plus que jamais marquée par l'individualisme et la compétition. Il existe une exigence d'efficacité, de rendement et productivité de manière à être compétitif. L'école s'inscrit bien dans une course actuelle à l'efficacité, au regard des classements internationaux sur les systèmes scolaires. Être efficace est une attente socialement valorisée. Loin de nous l'idée de critiquer le principe d'efficacité scolaire qui reviendrait d'une certaine façon à tourner le dos à l'échec scolaire. D'autant que nous nous interrogeons sur les ressorts d'une didactique qui puisse relever le défi de l'échec, le défi de la difficulté à faire apprendre.
Cadre de recherche :
Nous nous interrogeons sur l'apprentissage et le processus de conceptualisation. À ce titre, Bautier et Goigoux (2004) nous explique l'aptitude des élèves (mais pas tous !) à secondariser, à abstraire, à sortir de la matérialité de la tâche scolaire pour exercer des activités de pensées sur les objets de savoir de l'activité de classe, de manière à construire une signification de la tâche, nécessaire pour former des concepts selon les attentes du contrat didactique. Nous avons cherché à comprendre, chez l'élève en formation initiale, le phénomène de secondarisation, pragmatisé dans les glissements conceptuels constitués par des étapes intermédiaires, des concepts transitionnels. Poursuivant nos investigations, nous cherchons à comprendre le fonctionnement du glissement conceptuel chez le professionnel en formation, l'adulte en apprentissage. Notre question est alors la suivante : peut-on favoriser de la même manière la secondarisation chez les jeunes comme chez les professionnels ? Et comment rendre efficace ce processus de conceptualisation ? Vraisemblablement, convient-il de penser l'activité du formateur qui stimule et pilote le processus de conceptualisation à partir du paradigme de « jugement pragmatique » développé par Pastré (2011), qui serait en définitive un « jugement d'efficacité ». Du coup, nous questionnons l'idée d'efficacité, un discours transversalement tenu dans tous les métiers ou fonctions humaines. Nous adossons ainsi notre étude au cadre théorique de la didactique professionnelle (Pastré, 2011) et de l'action conjointe en didactique (Sensevy, 2007). Nous tentons une réponse avec la relecture de nos corpus recueillis dans les classes d'école élémentaire et après les classes, lors d'autoconfrontations avec les enseignants, relativement à des situations de médiation grammaticale (du point de vue de la formation des élèves et de la professionnalisation des enseignants).
Problématique :
Le glissement conceptuel, de quelle manière peut-il réellement se comprendre comme un « facilitateur » de la conceptualisation ? Peut-il s'appréhender comme un outil efficace pour former des concepts, mobilisant du « jugement pragmatique » qui introduit une forme de rendement dans l'apprendre, un rendu en retour d'un apport ? Et pour répondre au questionnement transversal du colloque de Mons, comment éviter le piège de l'immédiateté et d'une rentabilisation excessives, voire dommageables ?
1/ Nous faisons l'hypothèse que l'opération de glissement conceptuel, élément pragmatisé du concept de secondarisation, est un outil d'étayage efficace pour faciliter la formation de concepts et rendre la classe efficacement apprenante.
2/ Nous faisons le pari que ce facilitateur s'entend aussi bien en formation initiale avec les enfants et adolescents qu'en formation continuée avec des adultes selon des procédures particulières à chacun des publics et des opportunités dont chaque formateur peut s'emparer à profit.
3/ Tenter de réfléchir à un dispositif didactique efficace exige d'éviter des « égarements d'époque ». Ainsi efficacité ne signifie pas pour autant négation du temps nécessaire à la conceptualisation, d'aspect transitionnel (Winicott), entendue comme le passage de concepts spontanés à scientifiques (Vygostki).
Méthodologie employée :
Nous convoquons les méthodologies de l'entretien d'explicitation (Vermesch) et de l'autoconfrontation (Oddone). Nous pensons nos données recueillies selon les cadres théoriques de l'action conjointe en didactique et de la didactique professionnelle pour opérer des analyses de contenus significatives (Bardin).
Regard réflexif :
Cette recherche n'est pas étrangère à l'air du temps. Un temps d'accélération implicite, pouvant perdre de vue les enjeux chronogénétiques du processus de conceptualisation fait entre autres de conflits cognitifs, de négociation intra et inter individuelle, de restructuration de schèmes. Ce qui nous engage à penser la « notion d'efficacité » sous toutes ses facettes, à cerner les contours d'un objectif auquel nous avons fait souvent appel sans vraiment l'interroger d'un point de vue anthropologique/philosophique.
Références bibliographiques :
- Bachelard G.- (1972).- La formation de l'esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective. Paris, Vrin.
- Barbier J-M (1998) Savoirs théoriques et savoirs d'action, Paris, PUF, Coll. Pédagogie d'aujourd'hui.
- Bautier E., Goigoux R. - (2004) - Difficultés d'apprentissage, processus de secondarisation et pratiques enseignantes : une hypothèse relationnelle, in Evaluer et comprendre les effets des pratiques pédagogiques », Revue française de pédagogie nº 148, INRP.
- Pastré P., Mayen P., Vergnaud G. – (2006) - La didactique professionnelle, note de synthèse, Revue française de pédagogie, n°154, INRP.
- Pastré, P. (2011) La didactique professionnelle, approche anthropologique du développement chez les adultes, Presses universitaires de France
- Sensevy G. (2007), Agir ensemble, l'action didactique conjointe du professeur et des élèves, Presses universitaires de Rennes.