Dans la perspective d'une acculturation scientifique citoyenne des élèves, les textes institutionnels du secondaire attendent plus ou moins explicitement des enseignants de sciences qu'ils les aident à saisir la spécificité des sciences ainsi que l'existence de régimes de vérité différents.
Cette dimension épistémologique de l'apprentissage des sciences, à l'origine d'un courant de recherches désigné par l'acronyme NoS (Nature of Science) dans les pays anglo-saxons, est relativement peu explorée en France. Les travaux sur la NoS montrent que les représentations des élèves et étudiants sont le plus souvent non-conformes aux conceptions contemporaines de l'entreprise scientifique et très souvent incohérentes, qu'ils peuvent rencontrer des difficultés à séparer des registres explicatifs différents ou les percevoir comme concurrentiels, ce qui est parfois à l'origine de conflit de vérité difficilement vécus. Certaines études discutent la corrélation entre les représentations des sciences et différentes variables comme l'appartenance disciplinaire ou le genre.
Nous présentons les résultats d'une enquête réalisée sous format numérique auprès d'une population de 662 élèves (52% de garçons et 48% de filles) sortant de l'enseignement secondaire et entrant à l'université scientifique et technologique Paris-Sud dans des filières de majeures différentes. La majorité des étudiants sont titulaires d'un baccalauréat scientifique et ont suivi un enseignement obligatoire au choix en terminale (mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre). Une minorité des étudiants a un baccalauréat littéraire ou économique et social (environ 10%) ou bien encore un baccalauréat technologique ou professionnel (environ 10%).
Nous nous centrons sur les questions élaborées pour explorer les représentations de la nature du savoir scientifique et de la démarcation science /non science. Celles-ci sont fermées et accompagnées d'une demande de justification. En ce qui concerne la nature du savoir scientifique, la question est de type QCM, les étudiants devaient choisir une ou plusieurs caractéristiques parmi une liste de huit. En ce qui concerne la démarcation science/non science, les étudiants devaient se positionner sur une échelle à 4 modalités sur l'affirmation « les connaissances scientifiques, artistiques et philosophiques sont de même nature ». En ce qui concerne la possibilité de la coexistence chez une même personne de modes de rapport au savoir différents (de polyphasie cognitive pour reprendre l'expression introduite par Moscovici), les étudiants devaient se prononcer sur une échelle de 4 modalités sur l'affirmation « on peut être scientifique et croyant ».
Nous donnons les résultats quantitatifs sur la population totale interrogée puis présentons une analyse des verbatims fournis par les étudiants pour justifier leurs réponses. Nous examinons les effets de différents facteurs : « baccalauréat », « option suivie en terminale scientifique », « genre ».
Question transversale : Une recherche sur les programmes de sciences du secondaire a montré que la dimension épistémologique des sciences est un attendu peu opérationnalisé. Par ailleurs, il est attendu au terme des études universitaires une certaine maîtrise de cette dimension chez les futurs enseignants et les futurs scientifiques. Nous avons souhaité examiner la vision des sciences des étudiants entrant à l'université afin de faire un premier état des lieux en vue de faire des propositions pédagogiques adaptées.
Références
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