Elargir l'accès à l'enseignement supérieur invite à se demander de plus en plus non seulement comment accéder à l'université mais, une fois inscrit dans celle-ci, comment garantir sa réussite. C'est ainsi que toute une série de questions se posent actuellement sur la pédagogie dans l'enseignement supérieur, puisqu'un lien clair se dessine entre le fait d'enseigner avec plus ou moins d'attention aux questions pédagogiques et le fait d'apprendre avec plus ou moins de réussite (Walker, 2006; Burke & al., 2013). Au regard de cet intérêt renouvelé pour la pédagogie, la tradition pédagogique dite « critique » entre en plein jeu. Cette manière d'aborder l'enseignement estime que l'échange éducatif devrait se passer sur un plan plutôt égalitaire, et que, par conséquent, ce n'est pas seulement l'enseignant-e qui peut déterminer le contenu ou la démarche du cours. Le concept d'autorité scolaire est ainsi déstabilisé par la remise en question de la hiérarchie entre professeur-e et étudiant-e, entre savoir académique et savoir personnel (Crabtree et al., 2009; Lubelska, 1991).
Les idées clés de la pédagogie critique, aussi nommée pédagogie féministe, ont été autant critiquées que louées : par exemple, est-il vraiment possible de créer une relation équilibrée entre professeur-e et étudiant-e quand à la fin du cours le/la professeur-e doit quand même donner une note aux étudiant-e-s pour un examen ou une contrôle (McNeil, 1992) ? Ou encore, est-il vraiment possible de briser la barrière entre le savoir canonique et les réflexions plus personnelles ou anecdotiques? (Madoc-Jones, 1997; Weiner 2006). En dépit de ces critiques, la pédagogie critique a gardé ses partisans dans l'enseignement supérieur. Cette communication est basée sur une enquête qualitative qui a été menée dans une université anglaise. L'enquête a pris comme terrain de recherche un cours où l'enseignante essayait d'employer la pédagogie critique dans ses cours : la chercheuse a observé des séances du cours dans son format « face-à-face » ainsi que son format « en ligne », et elle a interviewé la professeure et quatre étudiants des deux formats du cours.
Suite à une analyse approfondie des discours employés par les étudiants vis-à-vis de la stratégie pédagogique du cours et son effet sur leur apprentissage, l'enquête a fait émerger une question importante: en ce qui concerne la qualité de l'apprentissage, à qui est-ce qu'on demande ? Qui peut déterminer « la qualité de l'apprentissage », et qui finit par définir ce qui peut être considéré comme « de bonne qualité »? Un-e professeur-e choisit sa stratégie pédagogique pour le bien des étudiants, mais, selon les étudiants inscrits dans ce cours, il n'est pas garanti que les étudiants soient d'accord avec leur professeur-e à cet égard.
Traitement de la question transversale : les questions de recherche pour cette enquête ont été formulées dans le contexte de l'enseignement supérieur en Grand Bretagne, où l'avis des étudiants sur la qualité de l'éducation qu'ils reçoivent devient de plus en plus important dans l'évaluation des cursus, par moyen d'un sondage national qui a lieu chaque année. Cette enquête a alors pris en compte l'importance d'établir les différences d'opinion entre enseignant-e et enseigné-e sur ce qui compte comme « qualité ».
Références bibliographiques
Burke, P. J., Crozier, G., Read, B., Hall, J., Peat, J. and Francis, B. (2013). Formations of Gender and Higher Education Pedagogies (GaP). London: University of Roehampton & The Higher Education Academy.
Crabtree, R., Sapp, D. A. and Licona, A. C., eds. (2009). Feminist pedagogy: Looking back to move forward. Baltimore, Md.: Johns Hopkins University Press.
Lubelska, C. (1991). 'Teaching Methods in Women's Studies: Challenging the Mainstream'. In J. Aaron and S. Walby (Eds), Out of the margins: women's studies in the nineties (pp. 41-48). London: Falmer Press.
Madoc-Jones, B. (1997). 'Women's experiences: whose knowledge is it?'. In F. Montgomery and C. Collette (Eds), Into the melting pot : teaching women's studies in the new millennium (pp. 13-21). Aldershot: Ashgate.
McNeil, M. (1992). 'Pedagogical Praxis and Problems: Reflections on Teaching about Gender Relations'. In H. Hinds, A. Phoenix and J. Stacey (Eds), Working out : new directions for women's studies (pp. 19-28). London: Falmer.
Walker, M. (2006). Higher education pedagogies: a capabilities approach. Maidenhead: Society for Research into Higher Education and Open UP.
Weiner, G. (2006). 'Out of the Ruins: Feminist Pedagogy in Recovery'. In C. Skelton, B. Francis, L. Smulyan, D. Leonard and E. Unterhalter (Eds), The SAGE handbook of gender and education (pp. 79-92). London: Sage.