4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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De l'usage du concept de « déjà-là décisionnel » en formation d'enseignants Une nouvelle voie à explorer : la confrontation avec soi-même
Marie France Carnus  1@  
1 : UMR EFTS, MA 122, Université de TOulouse Jean Jaurès
Université de Toulouse Jean Jaurès

La recherche en didactique clinique a émergé au début des années 2000 à partir du constat de l'insuffisance des cadres didactiques « classiques » pour lire certains phénomènes liés à la transmission/appropriation d'enjeux de savoir(s) (Terrisse, Carnus, 2009). A la croisée de la didactique et d'une clinique du sujet prenant à son compte l'hypothèse freudienne de l'inconscient, cette orientation se réfère à une théorie du sujet pris dans le didactique (Carnus, Terrisse, 2013) pour suivre et analyser le « fil du rapport au savoir » (Johsua & Dupin, 1993). Ceci requiert la construction ou la reconstruction d'une temporalité qui amène à remonter dans l'histoire des sujets que nous observons. En lien étroit avec la notion de rapport au(x) savoir(s), « le déjà-là décisionnel » est une partie cachée du processus décisionnel de l'enseignant qui influence de manière latente et constante ses choix. Le « déjà-là décisionnel » est composé de trois instances en tension : le déjà-là conceptuel, le déjà-là intentionnel et le déjà-là expérientiel qui agissent comme des « filtres de l'action didactique » (Loizon, 2004) et semblent se structurer en couches plus ou moins poreuses. La plus ancienne est composée du « déjà-là expérientiel », issue de l'histoire personnelle et professionnelle du sujet enseignant. Vient ensuite le « déjà-là conceptuel », c'est-à-dire à l'ensemble des conceptions, des croyances et des valeurs de l'enseignant. Arrive enfin le « déjà-là intentionnel » qui regroupe à la fois les intentions éducatives et didactiques, qu'elles soient générales ou spécifiques des séances observées (Loizon, Carnus, 2012). Cet ensemble participe finalement à la prise de décision en EPS, même si parfois les trois « déjà-là » coagissent de manière contradictoire. Ce concept heuristique nous paraît recouvrir celui de rapport au(x) savoir(s) qui « englobe la question de la construction de sens par le sujet en fonction de son histoire personnelle et de l'institution dans laquelle il prend position (Jourdan, 2009, p.35).

Que faire alors de ce concept en formation d'enseignants ? Dans le cadre de ce symposium, j'évoquerai quelques pistes possibles de nature à optimiser la formation initiale et continue des enseignants, aujourd'hui en pleine mutation. Une première piste consiste à prendre appui sur les résultats de la recherche pour contribuer à l'élaboration de stratégies de formation. Certains apports théoriques assortis de la présentation de vignettes didactiques cliniques mettant en évidence les tensions au cœur du déjà-là décisionnel des enseignants peuvent venir compléter les plans de formation initiale et contribuer à la construction d'une posture réflexive et distanciée chez le futur enseignant. En formation continue, la connaissance et la reconnaissance de tels phénomènes peut infléchir chez certains enseignants expérimentés un processus d'autoévaluation générateur de développement professionnel (Jorro, 2007) les conduisant à revisiter leurs propres pratiques. Une autre piste préconise en formation initiale comme en formation continue l'importation et le recours au concept de « déjà-là décisionnel » dans des ateliers d'analyse de pratiques. Des savoirs à enseigner aux savoirs transmis, la puissance heuristique du concept permet une autre lecture du fonctionnement didactique qui pour autant qu'elle autorise à penser différemment et peut-être de manière plus apaisée ce qui est effectivement transmis ne dédouane pas pour autant l'enseignant de sa responsabilité dans l'acte d'enseignement.

Ces pistes engagent la formation et les formateurs dans une voie qui consiste à préparer et accompagner les enseignants à une confrontation avec eux-mêmes (Métoudi, 2013). Elles sont à explorer, à expérimenter et il apparaît évident qu'un des facteurs d'efficience soit relatif à la formation de formateurs. Cependant, la vigilance épistémologique questionnera toujours le caractère opérationnel de ces articulations entre recherche et formation étroitement lié à la diffusion des travaux de recherche d'une part et, d'autre part, à la volonté des acteurs de la formation d'intégrer les avancées de la recherche en didactique clinique et plus largement sur les pratiques enseignantes dans leurs pratiques de formation.

 

Eléments bibliographiques

Carnus M.-F., Terrisse A. (2013) Didactique clinique de l'EPS. Le sujet enseignant en question. Paris : Éditions EP.S.

Johsua, S. & Dupin, J. 1993 Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques, Paris, PUF

Jorro, A., 2007, Evaluation et développement professionnel, L'Harmattan, Paris.

Jourdan, I. (2009). Etude du rapport au savoir chez les étudiants en formation initiale en EPS. In A. Terrisse & M.F. Carnus (dir.). Didactique clinique de l'EPS, quels enjeux de savoirs ? De Boeck, Bruxelles, 33-48.

Loizon, D. (2004). Analyse des pratiques d'enseignement du judo : identification du savoir transmis à travers les variables didactiques utilisées par les enseignants en club et en EPS. Thèse non publiée. Université Paul Sabatier, Toulouse.

Loizon, D., Carnus, M.F. (2012). Le déjà-là décisionnel chez les enseignants novices en EPS. Un outil pour comprendre la réalité de leurs enseignements. In G. Carnier et M. Clerx (dir.). Construction de l'identité professionnelle chez des stagiaires et des enseignants novices en éducation physique. Presses Universitaires de Louvain. Belgique.

Métoudi, M. (2013). Préface. In M.-F Carnus & A Terrisse (dir.). Didactique clinique de l'EPS. Le sujet enseignant en question. Revue EPS (eds.), Collection Recherche et formation. Paris, 5-6.

Terrisse, A., Carnus, M.-F. (2009). Didactique clinique de l'EPS, quels enjeux de savoirs ? De Boeck, Bruxelles.


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