4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Islam et Science - Les conceptions d'étudiants en Masters de Biologie à Tlemcen (Algérie)
Pierre Clément  1, *@  
1 : ADEF, Université Aix-Marseille
ADEF, Université Aix-Marseille
* : Auteur correspondant

Sympoisum: Sciences, cultures, sociétés

Résumé

L'histoire des sciences montre que la non séparation entre science et religion a parfois été désastreuse (affaire Galilée, ...), mais aussi que nombre de religieux ont été des scientifiques importants (Perru 2010). Le regain récent de querelles sur l'évolution biologique (IAP, 2006) relance le débat. Gould (1997) a plaidé pour une indépendance entre science et religion, proposant le NOMA (Non-Overlaping Magisteria). Baudouin & Brosseau (2013, p. 47) sont plus catégoriques : “il n'y a pas de dialogue qui puisse être utile entre le discours scientifique et le discours religieux”.

Les recherches amorcées par le projet Biohead Citizen ont montré que les conceptions d'enseignants et futurs enseignants sur l'évolution varient beaucoup d'un pays à un autre, même entre enseignants d'une même religion. La question est particulièrement complexe pour l'Islam, qui dit promouvoir mais aussi englober la science. Des recherches ont porté sur la difficulté d'enseigner l'évolution en Tunisie (au programme en Terminales Scientifiques : Aroua 2008). Mais très peu ont porté sur l'Algérie, où l'évolution n'est pas au programme de biologie, ni au Primaire et ni au Secondaire, et où la quasi totalité des enseignants et étudiants sont musulmans pratiquants.

L'objectif ce cette communication est d'analyser les conceptions d'étudiants de biologie (en Masters 1 ou 2 de biologie à l'Université de Tlemcen), sur l'évolution, et plus généralement sur la (non) séparation entre science et religion. Dobzhansky a affirmé, dans son célèbre article de 1973 : « Rien en biologie n'a de sens en dehors de l'éclairage de l'évolution » tout en notant (p. 127) : « Je suis à la fois évolutionniste et créationniste. L'évolution est la méthode pour créer utilisée par Dieu, ou par la Nature ».

Notre question de recherche est : les fortes convictions religieuses de ces étudiants algériens les empêchent-elles d'accepter l'évolution biologique, ou même d'avoir la conception conciliante (théiste) de Dobzhanski ? Comment argumentent-ils la (non) séparation entre science et religion ?

Seront analysés les données recueillies à l'occasion de cours que j'ai donnés à ces étudiants en novembre 2015 :

    • Les réponses de 102 étudiants, avant mon cours, au questionnaire Biohead-Citizen, et comparaison avec les réponses d'enseignants interrogés en 2007.
    • Les réponses de 56 de ces étudiants à deux de ces questions à l'issue du cours.
    • Les schémas de 45 étudiants sur l'origine de la vie et l'origine de l'homme.
    • Les arguments proposés par 12 groupes d'étudiants : 3 arguments pour défendre la séparation entre science et religion, et 3 pour la non séparation, l'ensemble ayant été poursuivi par un débat.

Les résultats montrent une présence écrasante de références au Coran, les arguments scientifiques étant très rares. Seules 20% des réponses sont théistes quant à l'origine de l'homme, les autres, clairement créationnistes, mentionnant toutes Adam et Eve. Plusieurs hypothèses seront émises pour interpréter ces résultats.

 

Regard réflexif

Cette recherche sur les conceptions d'étudiants algériens en Master de biologie, illustre jusqu'à quel point ils sont imprégnés par leur religion tout en ayant d'importantes connaissances de biologie. L'articulation entre les deux est peu ou non pensée. Pour tous, le Coran préfigure les découvertes scientifiques ultérieures ; la religion englobe la science. Convictions que mon cours n'a pas inversées, alors que leurs conceptions sur l'égalité entre hommes et femmes ont significativement évolué.

 

 

Références bibliographiques

Aroua, S. (2008). Enseignement de l'évolution et contexte socioculturel, le cas de la Tunisie, in Coquidé M. & Tirard S. eds. L'évolution du vivant. Un enseignement à risque ?, Paris, Vuibert, p. 137-152

Dobzhansky, T. (1973). Nothing in biology makes sense except in light of evolution. American Biology Teacher-35, 125-129

Gould, S.J. (1997). Non-overlapping Magisteria, Natural History-106, p. 16-22

IAP InterAcademy Panel (2006). IAP Statement on the Teaching of Evolution, en ligne :

Perru, O. (2010). La création sans le créationnisme ? Paris : éditions Kimé.

 

 

 


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