4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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"Doit-on alors abolir la famille ? » Ethique et égalité
Bérangère Kolly  1, *@  
1 : Laboratoire interuniversitaire des sciences de l'éducation et de la communication  (LISEC)  -  Site web
Université de Haute Alsace - Mulhouse, université de Strasbourg, Université Nancy II
Université Louis Pasteur 7 rue de l'université 67000 STRASBOURG Université Nancy2, B.P. 3397 54015 NANCY CEDEX France -  France
* : Auteur correspondant

Ce titre est une citation du titre d'un article de Véronique Munoz-Dardé, elle-même citant John Rawls (Théorie de la justice).

Les polémiques autour des « ABCD de l'égalité » au cours de l'année 2013-2014 ont posé à nouveau frais un certain nombre de questions cruciales, parfois anciennes, dans le domaine de l'éducation et dans le domaine scolaire. En premier lieu, l'opposition que l'on pensait alors dépassée entre instruction et éducation : l'école doit-elle seulement instruire, ou peut-elle, doit-elle aussi éduquer ? En second lieu, et corrélativement, la répartition des différentes instances éducatives avec et autour de l'école : la famille possède-t-elle des prérogatives propres, qu'il faudrait protéger ? L'école doit-elle aller à revers des interdits ou tabous familiaux, et dans quelle mesure ? En troisième lieu, la question de la substantialité ou non d'une morale républicaine que l'école pourrait ou devrait transmettre, dans un monde caractérisé par la pluralité. Sur ces questions, le genre et l'égalité des sexes constituent un enjeu crucial. Le genre en éducation suppose ainsi de s'interroger nécessairement sur les rapports souhaitables et/ou possibles entre famille et école.

Une tradition philosophique considère la famille comme la matrice de l'inégalité des sexes – Marx, Engels, puis Reich. En conséquence, la recomposition, voire la destruction de la famille se propose comme une solution nécessaire pour penser l'émancipation, y compris en termes éducatifs. Une autre version de cette critique voit la famille comme le creuset d'inégalités arbitraires que l'école viendrait réparer – les politiques d'égalité des sexes dans le système scolaire relevant souvent de cette version.

De l'autre côté de la perspective, les théories du care proposent une revalorisation des pratiques invisibilisées, souvent conduites par les femmes, et dans des sphères privées ou familiales, dans le cadre des théories rawlsiennes de la justice. Cette perspective du care, elle-même habitée de l'égalité des sexes, propose un autre rapport à la sphère familiale, puisque celle-ci se trouve potentiellement être une ressource pour penser un rapport de proximité et d'accueil avec autrui, ressource laissée pour compte dans les modèles de l'individu autonome et autosuffisant. Il existe enfin d'autres propositions, anciennes, et d'une autre facture : celle d'une Madeleine Pelletier, qui propose au début du 20ème siècle qu'une éducation féministe s'intéresse à la figure de la mère ; celle d'un Paul Robin, anarchiste et pionnier de la coéducation, qui entend à la fin du 19ème siècle faire de l'école une « famille ».

De facture philosophique, cette communication cherchera à récapituler la place de la famille dans la pensée de l'émancipation et de l'égalité des sexes par l'éducation. L'enjeu restant, face à des discours réactivant la prégnance de la famille comme unique point d'ancrage éducatif, d'interroger le rôle de l'école et les perspectives concrètes de respect de l'enfant.

Liens avec le thème transversal : à quelles questions cherchons-nous à répondre ?

Cette communication entend établir une généalogie des rapports théoriques et philosophiques entre famille et école. L'objectif est de mettre en perspective une question contemporaine, au regard de l'histoire. Cette réflexion permettra ainsi de mettre à jour de manière approfondie les paradigmes à l'œuvre chez les partisans ou opposants d'une éducation à l'école.

 

Bibliographie

Engels, F. (1884). L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat.

Demeulanarer-Douyère, C. (2003). « Un précurseur de la mixité : Paul Robin et la coéducation des sexes ». Clio, n°18.

Gilligan C., Une voix différente, pour une éthique du care, Trad franç A. Kwiatek, Flammarion, 2008.

Munoz-Dardé, V. (2001). « Doit-on alors abolir la famille ? ». In De Singly (dir). Le lien familial. Revue Comprendre n°2. Paris : Mesure, pp. 301 – 334.

Pelletier, M. (1978/1914). L'éducation féministe des filles et autres textes, Préface et notes de Claude Maignien. Paris : Syros, collection « Mémoire des femmes ».

Prairat, E. La morale du professeur. Presses Universitaires de France.

Rawls, J. (1987/1971). Théorie de la justice. Paris : Le Seuil.

Reich, W. (1999). L'irruption de la morale sexuelle. Paris : Payot.

Tronto, Joan. (2009). Un monde vulnérable. Pour une politique du care (1993). Trad. H. Maury. Paris : La Découverte.

 


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