4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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De quel savoir la recherche biographique en éducation est-elle le nom ?
Christine Delory-Momberger  1, *@  
1 : Centre de recherche interuniversitaire, Expérience, Ressources Culturelles, Education  (EXPERICE)  -  Site web
Université Sorbonne Paris Cité (USPC), Université Paris VIII - Vincennes Saint-Denis : EA3971
UFR Lettres, Sciences de l'Homme et des Sociétés, Université Paris 13, 99 avenue Jean-Baptiste Clément, F-93430, Villetaneuse -  France
* : Auteur correspondant

Montrant l'interdépendance des formes de la science avec l'ordre des représentations et des discours propre à une époque, Michel Foucault désignait sous le concept d'épistémè « une façon de penser, de parler, de se représenter le monde » définissant les « conditions de possibilité » de production du savoir. Dans cet esprit, une des manières de cerner les questions auxquelles la recherche biographique en éducation cherche à répondre est d'interroger la relation entre le contexte sociétal dans lequel ce courant de recherche développe son projet et les objets et formes de savoir qu'il se donne.

Au coeur du projet de la recherche biographique, la reconnaissance et l'exploration du biographique comme dimension constitutive des processus d'individuation, d'éducation et de socialisation répondent en effet à une configuration historique des rapports de l'individu au social, du sujet à la Cité. Celle-ci a pour conséquence d'accorder une centralité sociale et politique nouvelle aux opérations de biographisation et en particulier aux figurations narratives selon lesquelles les individus produisent les formes de leur existence pour eux-mêmes et pour les autres. Un premier niveau de questionnement concernera donc les conditions sociétales dans lesquelles les manifestations publiques de la biographisation individuelle, notamment sous la forme du récit de la vie, acquièrent cette centralité, faisant ainsi du biographique le paradigme d'une approche spécifique dans les sciences humaines et sociales.

Cette première interrogation est indissociable d'un questionnement épistémologique et méthodologique sur la spécificité du savoir auquel prétend la recherche biographique et sur les voies de sa construction. Si la recherche biographique peut partager avec d'autres courants de recherche (sociologies de l'individu, psychologie sociale, sciences de l'éducation) l'étude compréhensive des processus de constitution individuelle, de construction de soi, de subjectivation (avec l'ensemble des interactions qu'ils engagent avec autrui et avec le monde social), le focus qu'elle se donne et le savoir spécifique qu'elle poursuit concernent le fait biographique saisi pour lui-même. En quoi consiste-t-il ? Dans quelle mesure sa compréhension amène-t-elle à dépasser (ou à faire jouer toutes ensemble) les catégories disciplinaires du social et du psychique, du cognitif et du discursif ? En un mot, qu'en est-il d'un savoir du biographique ? Et puisque ce savoir ne peut être en même temps qu'un savoir du singulier, en quoi ne peut-il s'édifier que dans une démarche de recherche partagée et de co-production où enquêteurs et enquêtés, chercheurs et acteurs-narrateurs vivent, agissent, parlent, construisent en commun ce qui constitue entre eux l'œuvre de connaissance, faisant du processus de l'enquête l'objet même de l'enquête ? Dans ce sens, on s'interrogera sur la dimension résolument éducative et politique inhérente à l'objet et à la démarche de la recherche biographique.

Références bibliographiques :

Baudoin, J.M. (2010). De l'épreuve autobiographique. Contribution des histoires de vie à la problématique des genres de texte et de l'herméneutique de l'action. Berne : Peter Lang.

Delory-Momberger, C (2014). La recherche biographique. Projet épistémologique et perspectives méthodologiques. In De la recherche biographique en éducation. Fondements, méthodes, pratiques (p. 73-94). Paris : Téraèdre.

Ferrarotti, F. (2014 [1983]). Histoire et histoires de vie. La méthode biographique dans les sciences sociales. Paris : Téraèdre.

Olivier de Sardan, J.-P. (2008). La rigueur du qualitatif. Les contraintes empiriques de l'interprétation socio-anthropologique. Louvain-la-Neuve : Academia-Bruylant.


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