4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Relations entre chercheur et partenaires : quels apports d'une expérience de recherche sur un dispositif d'aménagement des cours de récréation ?
Nathalie Jelen  1@  
1 : Université d'Artois, EA 7369, URePSSS, Sherpas.  (Unité de Recherche Pluridisciplinaire Sport Santé Société)
Université d'Artois : EA7369
nathalie.jelen@univ-artois.fr -  France

La proposition de communication repose sur une analyse réflexive des relations entre chercheur et partenaires sociaux (Weber, 2003), à partir d'une observation participante (recueil des discours et des comportements de ces acteurs lors d'échanges formels, informels par la tenue d'un carnet type ethnographique) à l'occasion d'une enquête récente, menée de juin 2014 à décembre 2015, consacrée à l'étude d'un dispositif d'aménagement des cours de récréation, dans la région Nord-Pas-de Calais, nommé les « chemins de la forme ». L'analyse et l'objectivation des discours et relations entre le chercheur et les partenaires permettent d'éclairer les malentendus entre ces acteurs, d'identifier les différences en termes d'attentes, d'enjeux et les négociations de fait opérées (Weber, 2003 ; Schnapper, 2011). Celles-ci servent également de support de réflexion sur les formes de communication, de collaboration dans un contexte de partenariats entre secteur public-privé et d'alliances éducatives (Latour, 1995 ; Draett, Labarthe, 2011 ; Segré, 2014 ; Blaya, Gilles, Plunus, Tièche Christinat, 2011).

Pour promouvoir l'activité physique et lutter contre la sédentarité des élèves, l'Inspection Académique d'Education (IAE) du Pas-de-Calais en partenariat avec le prestataire l'Institut des Rencontres de la FOrme (IRFO) propose un dispositif innovant : les tracés « chemins de la forme » dans les cours de récréation. Dans cette optique, nous avons été sollicitée, en juin 2014, pour étudier la portée de ce dispositif sur les apprentissages et les comportements des élèves. Cette demande s'inscrit dans la continuité des enquêtes réalisées et financées par l'IRFO les années précédentes, au sein du laboratoire SHERPAS et portant sur une étude psychologique du bien-être en entreprise. Répondre à cette sollicitation permettait un échange de bons procédés au regard des financements préalables. Dès le début de l'étude, il y a eu une négociation autour de la redéfinition du questionnement suite aux constats émanant du terrain et de l'intérêt du recours à la sociologie pour étudier qualitativement les usages du dispositif. En effet, la réalité du terrain semble faire émerger une non-utilisation de ces tracés à court et à long terme, que ce soit durant les cours d'éducation physique ou autres temps de l'action pédagogique. L'enquête qualitative (entretiens et observations) montrera que cet état de fait est lié à la fois aux conditions d'instauration des tracés dans les écoles et aux modalités mêmes du dispositif (Mendras, Forsé, 1983). Si l'intérêt d'étudier les usages du dispositif pour le rendre efficient répondait aux attentes de l'inspection, il s'éloignait du partenaire IRFO qui souhaitait plus une mesure des effets concrets sur les élèves et, par ailleurs, la création d'outils d'évaluation. Ces attentes de l'IRFO en termes d'évaluation des effets s'expliquent par la volonté de légitimer l'efficacité du dispositif par la caution scientifique et favoriser ainsi sa diffusion. Le but était de compléter les données issues d'une enquête en physiologie mesurant les effets de l'usage de ces tracés en termes d'impacts « physiques » sur les élèves. Il faut aussi tenir compte de l'influence des partenariats précédents en psychologie plus en phase avec les attentes préalablement citées et également plus en lien avec les savoirs à disposition du représentant de l'institut (Draetta, Labarthe, 2011). Les différences notées, dans les discours et les positionnements, entre les partenaires mettent clairement en évidence l'influence du statut de ces derniers (en fonction de leur institution d'appartenance et au regard de leur parcours singulier, de leur conviction (Weber, 2003)). Après cette première phase, le chercheur a pu bénéficier d'une marge de liberté dans sa démarche et dans son enquête probablement, aussi, parce qu'elle n'était pas financée. Cette marge de liberté est également liée au fait, qu'en parallèle, a été réalisée une enquête psychologique sur le bien-être des élèves à l'école en interrogeant la différence écoles équipées/non équipées de tracés. Si l'enquête s'est effectuée sans encombre, la divergence des espaces d'intéressement pose le problème de la réception même des résultats qui est très variable selon les deux partenaires (Latour, 1995). Cette expérience nous a amenée à réfléchir aux relations entre chercheur et partenaires en y interrogeant le rôle des modes de communication, les pièges à éviter et les formes de collaboration entre ces acteurs afin de nous enrichir pour nos futurs partenariats (Latour, 1995 ; Lahire, 2004 ; Segré, 2014 ; Draetta, Labarthe, 2011).

 

Regard réflexif : Comment se « jouent » ces négociations plus ou moins explicites ? Quel équilibre trouver entre la liberté de questionnement du chercheur et les demandes qui leur sont adressées par d'autres catégories d'acteurs ?

 

Blaya C., Gilles J-L., Plunus G. et Tièche Christinat C. (2011). Accrochage scolaire et alliances éducatives : vers une intégration des approches scolaires et communautaires. Education et francophonie, 39. Repéré : http://id.erudit.org/iderudit/1007736ar.

Crozier M., et Friedberg, E. (1977). L'acteur et le système. Paris, France : Seuil.

Draetta, L. et Labarthe, F. (2011). La recherche sur commande et le dilemme expert-chercheur : une analyse réflexive de l'implication du sociologue dans la mise en œuvre d'une politique publique de l'innovation. Revue Interventions économiques, 43. Repéré : http://interventionseconomiques.revues.org/1425.

Lahire, B. (2004). A quoi sert la sociologie ? Paris, France : La découverte.

Latour, B. (1995). La science en action. Introduction à la sociologie des sciences. Paris, France : Gallimard.

Mendras, H. et Forsé, M. (1983). Le changement social. Paris, France : Armand Colin.

Schnapper, D. (2011). L'expérience-enquête au Conseil constitutionnel. Réflexion sur la méthode. Sociologie, 3. Repéré : http://www.cairn.info/revue-sociologie-2011-3-page-295.htm

Segré, G. (2014). Le commanditaire, le public et le sociologue. Malentendus, pièges et difficultés dans les enquêtes de publics. Sociologie de l'art, opus 22 (1), 167-189.

Weber, M. (2003). Le savant et le politique. Paris, France : La découverte.

 


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