En rupture avec la culture « évaluation-satisfaction », qui demande l'avis des formés sur les dispositifs institutionnels qui leur ont été proposés, la démarche de cette recherche s'inscrit dans un rapport à une temporalité plus longue et se focalise sur la façon dont les enquêtés livrent un certain accord ou désaccord avec le modèle de professionnalisation offert. Bourdoncle et Lessard (2003) rappellent que les référentiels de compétences constituent le socle du curriculum de formation professionnelle et sont utilisés pour construire une professionnalité commune.
Cette évaluation se spécifie en une approche singulière qui cherche à comprendre comment se construit la professionnalité : c'est « le rapport à... » qui est au cœur de l'investigation, rapport aux différentes dimensions du métier en tant que dimensions prescrites. Les étudiants qui postulent aux métiers de l'enseignement réagissent à une proposition (l'offre institutionnelle) en fonction de leur trajectoire de formation et de leur expérience de terrain.
Pour prendre la mesure du degré d'adhésion ou de rejet à l'égard de l'offre institutionnelle qui leur est faite, nous les avons interrogés sur leurs perceptions de traits de compétences. Cette méthodologie s'appuie sur des données qui sont des produits de « transactions » : entre le projet propre de l'étudiant et celui que forme l'institution pour lui, entre la perception qu'il a de ses progrès et le regard des autres acteurs sur lui, entre l'identité prescrite, l'identité « agie-vécue » et l'identité « reconnue-attribuée » (Wittorski, 2007).
Pour chacune des trois passations de l'enquête, les analyses des résultats constituent une forme d'évaluation régulatrice de la professionnalité vécue par les formés en fournissant des indicateurs pertinents qui touchent au rapport évolutif des étudiants à la formation. Une telle évaluation interroge les dispositifs de formation en cours (comme cela a déjà été le cas à l'IUFM/ÉSPÉ de Basse-Normandie) car l'établissement de formation a besoin de tels indicateurs pour piloter.
D'où l'idée de l'équipe de recherche de transformer cet outil pour comprendre en un outil pour proposer. Dès lors, est envisagée une didactisation par les chercheurs, de certaines analyses afin de proposer à leurs collègues formateurs un travail commun de réflexion pour agir sur les dispositifs de formation initiale.
Didactisation, proposition et réflexion s'effectueront à partir d'« un observatoire de la formation initiale » associant des chercheurs de l'équipe, des formateurs et des responsables institutionnels ÉSPÉ pour agir avec et par les formateurs sur les dispositifs de formation en questionnant les contenus.
Regard réflexif sur la question de recherche
L'enquête révèle chez les formés leurs perceptions préalables du métier transformées par leur professionnalité vécue. Cette professionnalité en construction et ces prises de conscience sont de nature à impulser une « professionnalisé projet ». L'émergence d' « observatoire de la formation initiale des enseignants » peut s'appuyer sur ces éléments. Il est susceptible de générer :
- un regard évaluatif objectivé des dispositifs de formation (pour comprendre et proposer) ;
- une réflexion commune sur les dispositifs de formation (pour agir).
Références bibliographiques
Bourdoncle, R., & Lessard, C. (2003). Qu'est-ce qu'une formation professionnelle universitaire ? Les caractéristiques spécifiques : programmes, modalités et méthodes de formation. Note de synthèse. Revue française de pédagogie, 142, 131-181.
Jorro, A., & Wittorski, R. (2013). Professionnalisation, évaluation et reconnaissance. Les Sciences de l'Education pour l'Ere Nouvelle, 4, 7-9.
Marcel, J.-F., Gardiès, C., & Fernandes, S. (2012). Évaluation de la formation des enseignants. Questionnements à partir de l'analyse du cas d'un dispositif mis en œuvre dans l'enseignement agricole public français. In R. Etienne, & L. Clavier (dir.), L'évaluation dans la formation des enseignants (pp.89-111). Paris: L'harmattan.
Wittorski, R. (2007). Professionnalisation et développement professionnel. Paris: L'Harmattan