4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Coopérer à l'école, l'espoir d'une éducation par l'action collective
Alexis Baillon  1@  
1 : Centre de recherche éducation et formation  (CREF)  -  Site web
Université Paris X - Paris Ouest Nanterre La Défense
200 avenue de la république 92001 nanterre cedex -  France

Sur la base d'une thèse soutenue en 2015, nous proposons ici de développer une partie de ce travail. L'ensemble de la thèse avait pour objet la coopération et se proposait, d'une part d'inscrire le principe coopératif dans une certaine historicité de l'école depuis la Révolution française et d'autre part d'analyser d'un point de vue sociologique son articulation dans la forme du collège actuelle.

Pour cela, notre thèse est qu'en accord avec les nouvelles formes de socialisation de l'individu, les sociologues n'hésitant pas à parler dès lors d' « individu relationnel », les pratiques enseignantes sont dorénavant contraintes de se développer dans une dimension collective dans laquelle l'interaction et notamment le rapport au groupe devient déterminante. Bien loin de s'affirmer dans une dynamique magistrale, nous avons cherché à mettre en évidence ce qui favorisait une certaine horizontalisation des rapports dans la classe et permettait de se rapprocher de l'idéal coopératif tel qu'il avait été pratiqué et développé dans les pédagogies nouvelles tout au long du XXème siècle. C'est donc la forme scolaire « classique » qui a été interrogée plutôt que des dispositifs pédagogiques se fondant explicitement sur un cadre coopératif.

Pour répondre à cela, nous avons développé une méthodologie permettant d'évaluer les relations qui sont à l'œuvre dans une situation de classe normalisée. Aussi, s'agissait-il de s'inscrire dans une dimension qualitative faisant du rapport à l'autre un aspect déterminant de l'apprentissage. L'étude s'est donc organisée selon un principe de recherche impliquée dans la mesure où j'étais moi-même un acteur à part entière dans l'établissement étudié. Cette position d'enseignant de mathématiques au sein de mon terrain de recherche a généré de nombreuses interrogations et de réflexions sur la position du chercheur dans sa situation de recherche. Il fallut notamment trouver un équilibre du point de vue de la distance entre le chercheur et son terrain, de son objet de recherche. Nous avons donc choisi de travailler dans cette implication en assumant pleinement cette position particulière. L'analyse du terrain s'est construite en deux temps mais nous souhaitons ici développer la partie qui s'est appliquée à analyser le regard réflexif des enseignants sur leur propre pratique.

Nous avons donc choisi l'entretien semi-directif avec des enseignants pour rendre compte d'une certaine réalité qui s'exprime dans la classe. L'objectif étant d'analyser autre chose qu'un simple rapport à l'apprentissage formel, la logique de l'entretien était de faire parler les enseignants sur autre chose que leur seul rapport au savoir, en insistant sur la dimension sociale de leur pratique pédagogique. C'est pourquoi, la grille d'analyse avait pour ambition de les faire s'exprimer sur la dimension sociale qui est nécessairement présente dans la classe pour arriver ensuite à reconnaitre dans leur propos des formes coopératives embryonnaires qui pourraient faire office de mode pédagogique à part entière.

Pour analyser le matériel sociologique récolté, nous nous sommes basés sur le cadre général des sociologies de l'expérience analysée plus précisément à partir des concepts de François Dubet. De manière synthétique, celles-ci prennent comme point d'ancrage que l'expérience scolaire au sens premier du terme est déterminante dans la construction de l'élève et que c'est celle-ci qu'il s'agit d'évaluer. Nous avons aussi été chercher dans la philosophie de John Dewey, une discrimination en termes de Ressources/obstacles par rapport à notre hypothèse coopérative pour essayer de mettre en avant une possible transformation des pratiques sur la base de la réalité quotidienne des enseignants. De manière plus générale, la philosophie pragmatiste développée par John Dewey a défini le cadre général dans lequel s'est structuré l'ensemble de cette recherche, notamment vis-à-vis de la place centrale qu'occupe l'expérience dans la relation de réciprocité qu'entretiennent, théorie et pratique.

Au terme de cette recherche, il est apparu assez nettement que les formes actuelles d'enseignement privilégiées par les enseignants de cet établissement prennent appui sur une prise en compte de la dynamique collective au sein de la classe, faisant de la construction sociale de l'élève un aspect tout aussi déterminant que la formation rationnelle de celui-ci. Nous avons donc pu mettre en évidence que finalement, le statut et la place qu'occupe le savoir dans l'action scolaire peut être à la fois un obstacle quand il est imposé de manière unilatérale, ou une ressource pour la mise en place d'une action coopérative lorsqu'il dérive directement de cette relation groupale. Finalement, il semble que l'on atteigne des formes coopératives abouties lorsque le savoir devient un moyen pour construire une situation d'apprentissage.

Vis-à-vis de la propre réflexivité des chercheurs sur leurs questions de recherche, celle-ci s'intègre dans une réflexion plus large sur le développement d'une école démocratique en accord avec les nouveaux modes de socialisation de l'individu. En effet, il apparaît que l'on demande beaucoup à l'école en termes de socialisation alors même que sa forme n'a que très peu évolué depuis près d'un siècle. A cela, nous pensons qu'un nouveau regard sur l'école et plus précisément sur le collège doit s'affirmer en ne considérant pas simplement un unique rapport au savoir formel mais bien en interrogeant directement le type de relation sociale proposée à l'élève.

 

Barrère, A. (2003). Travailler à l'école. Que font les élèves et enseignants du secondaire. Rennes, France : Presses Universitaires de Rennes.

Dubet, F.(1994). Sociologie de l'expérience. Paris, France : Seuil.

Meyrieu, P. (2000), L'école, mode d'emploi. Des "méthodes actives" à la pédagogie différenciée. Paris, France : ESF.


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