Cette communication se veut contribuer à l'analyse des processus de discrimination ethnico-raciale dans l'espace scolaire et des pratiques scolaires de traitement de cette problématique politique. Elle s'appuie sur une recherche au long cours (2004-2011), conduite dans une perspective de sociologie publique (Burawoy, 2006) - dans laquelle la sociologie contribue à l'émergence de contre-publics critiques, et se soucie en même temps de la production de connaissances théoriques et de la praticabilité de celles-ci pour la transformation sociale. Cette recherche, menée sur différents terrains (ministère et administrations intermédiaires, différentes académies, plusieurs dizaines d'établissements du secondaire - collèges, lycées dont lycées professionnels), a visé à comprendre le rapport de l'institution scolaire et ses agents à la problématique des discriminations ethnico-raciales : des enjeux politiques de reconnaissance, jusqu'aux pratiques locales de gestion des discriminations et des discriminés par les acteurs (Dhume, 2015 ; Dhume et al., 2011). Ce projet de recherche s'inscrit dans le paradigme de l'ethnicité appliqué à l'école (Lorcerie, 2003). Au sein de ce dernier, il cherche à construire le concept de discrimination, à la fois pour sa visée à la fois heuristique à l'égard de la production des inégalités scolaires, pour son potentiel de réflexivité pratique et professionnelle, et pour sa portée politique de critique ancrée des rapports de pouvoir dans/par l'institution.
Cette recherche a pris pour objet particulier d'application la problématique de la discrimination lors de stages sous statut scolaire et de périodes de formation en entreprise. Dans la suite des travaux sur les intermédiaires à l'emploi face aux discriminations, elle conduit à appréhender la discrimination ethnico-raciale comme un processus coproduit (Noël, 1996). Loin de ne refléter que l'action sélective des entreprises, la discrimination en stage implique en effet les différents agents de l'école engagés dans la gestion des stages – voire leurs alliés (associations, collectivités...), et prend sens dans la situation scolaire. Ce processus révèle combien le travail des enseignants – par exemple – relève fréquemment d'un travail intermédiaire, qui est pris dans des logiques d'inter-normativité, au sein desquelles la discrimination rend particulièrement saillants les arbitrages axiologiques et normatifs, ainsi que leurs conséquences professionnelles et institutionnelles.
Cette approche systémique du fonctionnement des discriminations et de l'emboîtement des responsabilités professionnelles et institutionnelles permet d'interroger les pratiques du point de vue – à la fois sociologique, politique et éthique - de leur (in)conséquence. Elle permet ainsi aussi aux acteurs de sortir d'une logique de l'impuissance/de la culpabilité pour endosser une éthique de la responsabilité à l'égard des rapports sociaux et des processus d'inégalités.
Références
Burawoy, M. (2006). Pour la sociologie publique, Socio-logos, 1. En ligne: http://socio-logos.revues.org/document11.html.
Dhume, F. (2015). Comment l'école déproblématise la discrimination en stage. Diversité, n°181, 111-116.
Dhume-Sonzogni, F. (2014). Entre l'école et l'entreprise, la discrimination en stage. Une sociologie publique de l'ethnicisation des frontières scolaires. Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence/IREMAM-CNRS.
Dhume, F., Dukic, S., Chauvel, S. & Perrot, P. (2011). Orientation scolaire et discrimination. De l'(in)égalité de traitement selon « l'origine ». Paris : La Documentation Française.
Lorcerie, F. (2003). L'école et le défi ethnique. Education et intégration. Paris : INRP/ESF.
Noël, O. (1999). Intermédiaires sociaux et entreprises : des coproducteurs de discrimination ? Hommes et Migrations, 1219, 5-17.
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