4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

Outils de recherche > Chercher une contribution par auteur > Levené Thérèse

Former des praticiens réflexifs par l'autoévaluation des compétences dans des dispositifs de formation professionnelle par alternance
Bruno Perrault  1, *@  , Thérèse Levené  2, *@  , Colette Valdes@
1 : Recherches en Éducation Compétences Interactions Formations Éthique Savoirs RECIFES, EA 4520.  (RECIFES)  -  Site web
Université Artois
9 Rue du Temple, 62000 Arras -  France
2 : Centre Interuniversitaire de Recherche en Education de Lille  (CIREL)  -  Site web
Université Lille I - Sciences et technologies : EA4354
Université Lille 3 -  France
* : Auteur correspondant

Le contexte général de la recherche, actuellement en cours, est celui de l'alternance au coeur de la formation initiale des professeurs des écoles en ESPE, des assistants de service social en IRTS et des formateurs d'adultes à l'université. Outre l'alternance entre institution et contexte professionnel, ces trois cursus de professionnalisation ont en commun la construction de compétences précisées dans des référentiels professionnels propres. Dans le cadre de cette alternance, lors du stage en contexte professionnel, l'apprenant est accompagné par deux référents pédagogique et professionnel. Cet accompagnement prend la forme de plusieurs visites formatives immédiatement suivies de temps d'échange et d'analyse afin de faire émerger, les points forts, les réussites, les priorités de travail. Un retour écrit formalisant les conseils ainsi que les attentes pour l'observation suivante est envoyé au stagiaire. Il est par ailleurs demandé au tuteur d'y faire figurer l'évaluation du niveau de maîtrise de chacune des compétences du référentiel sur la base des activités observées. Après une première année d'expérience, l'évaluation des compétences inférée des comportements s'est avérée bien souvent problématique, les situations observées ne permettant pas l'évaluation de toutes les compétences. Une alternative a été expérimentée qui place l'étudiant en situation d'autoévaluer ses capacités d'action, l'objectif premier étant de l'amener à réfléchir sur lui-même et l'aider à prendre conscience de ses points forts et de ses lacunes pour s'engager dans une démarche de progrès. Cet objectif a nécessité la construction d'un outil de positionnement professionnel, actuellement en cours d'expérimentation dans les trois dispositifs précédemment cités.

Sur le plan théorique, l'étude s'inscrit dans le paradigme du praticien réflexif très répandu depuis plusieurs années dans les secteurs éducatif, sanitaire et social. Issu des écrits de Donald Schön (1993), le sujet réflexif est celui qui prend ses activités professionnelles comme objet d'analyse dans la perspective d'améliorer sa pratique, de devenir plus efficace et plus généralement de développer ses compétences. Au niveau institutionnel, le modèle du praticien réflexif a été particulièrement promu notamment dans la formation des maîtres (Perrenoud, 2001) ; il est également au cœur de la professionnalité des assistants de service social et des formateurs d'adultes. Au niveau scientifique, les publications abondent. Les stratégies pour développer la réflexivité y apparaissent nombreuses et variées mais nous n'avons identifié aucune recherche ayant pris pour objet d'étude l'autoévaluation des compétences comme pratique réflexive. Or, des nombreux travaux sur l'évaluation, nous retenons que l'auto-évaluation apparaît comme une composante essentielle de l'évaluation formative (Allal, 1991). L'évaluation portée sur ses forces et ses faiblesses favorise l'intériorisation des objectifs à atteindre, fournit des indications sur son niveau actuel au regard de l'objectif visé et, au final, favorise le développement de stratégies d'autorégulation. L'autoévaluation apparait donc comme un puissant facteur de développement professionnel (Jorro, 2011) et d'efficacité professionnelle.

Sur le plan méthodologique, un outil a été créé qui vise l'autoévaluation par l'apprenant de sa capacité d'action au regard d'un ensemble de tâches spécifiques aux professions préparées. Pour chacune d'entre elles, il est amené à se positionner sur une échelle d'intensité de fréquences à 6 positions : « J'ai mis en œuvre plusieurs fois, je pense que je m'en sors plutôt bien », « Je mets en œuvre mais je rencontre des difficultés », « Je n'ai pas essayé car je ne sais pas comment m'y prendre », « Je n'ai pas essayé car je redoute les problèmes de gestion de classe », « Je n'ai pas essayé car je n'en ai pas eu l'opportunité » ou « Je ne suis pas concerné(e) ». Outre ce positionnement, pour chacune des tâches considérées, l'apprenant est invité à expliciter les expériences vécues qui témoignent du niveau de compétence ressentie et à signaler les demandes de soutien susceptibles de l'aider à progresser. L'autoévaluation s'achève par un bilan qualitatif sous forme d'entretien avec le référent pédagogique relatant le vécu professionnel au cours de la période écoulée. Ce positionnement professionnel est proposé à plusieurs reprises au cours de l'année universitaire.

Les résultats, non encore disponibles, porteront sur la présentation du dispositif, l'outil de positionnement, la façon dont les intéressés s'en sont emparés, les effets induits dans leur développement professionnel et les conditions permettant de développer la compétence à s'autoévaluer.

 

 REGARD REFLEXIF SUR LA QUESTION DE RECHERCHE

 C'est autour des enjeux de l'autoévaluation que nous souhaiterions ouvrir le débat. A l'appui des travaux de Dejours (2003) et de Hirtt (2009, 2014) nous nous demanderons en quoi l'autoévaluation accompagnée pourrait permettre de dépasser les contradictions inhérentes aux situations d'évaluation et (re)donner un caractère dialectique et contextualisé à l'approche par compétences dans les formations préparatoires aux métiers de l'enseignement, du travail social et de la formation d 'adultes ?

REFERENCES bibliographiques

Allal, L., Mottier Lopez L., (2007). Régulation des apprentissages en situation scolaire et en formation. Bruxelles, De Boek.

Altet, M., Desjardins, J., Etienne, R., Paquay, L., Perrenoud, P. (Dir). (2013). Former des enseignants réflexifs, obstacles et résistances. Bruxelles, De Boek.

Coen, P-F., Bélair, M., (2015). Evaluation et autoévalaution. Quels espaces de formation ? Bruxelles, De Boek.

Dejours, C., (2003). L'évaluation du travail à l'épreuve du réel. Critique des fondements de l'évaluation. Paris, INRA éditions.

Hirtt, N., (2009). L'approche par compétences : une mystification pédagogique. L'école démocratique. n°39.

Hirtt, N,. (2014). Intelligences, savoirs, pédagogies... Réconcilier la théorie et la pratique. L'école démocratique, n°59.

Jorro, A. (2011). Évaluation de l'expérience et enjeux de reconnaissance professionnelle. Les Sciences de l'éducation - Pour l'Ère nouvelle. (Vol. 44). 69-83.

Jorro, A. (2005). Réflexivité et auto-évaluation dans les pratiques enseignantes. Mesure et évaluation en éducation, n°27(2). 33-47.

Perrenoud, P. (2001). Développer la pratique réflexive dans le métier d'enseignant. Professionnalisation et raison pédagogique. Paris, ESF.

Raucent, B., Verzat, C., Villeneuve, L., (sous la direction de). (2010). Accompagner des étudiants. Quels rôles pour l'enseignant? Quels dispositifs ? Quelles mises en oeuvre ? Bruxelles, De Boeck.

Schön, D. (1993). Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans l'agir professionnel. Montréal, Éditions Logiques.

 

 


Personnes connectées : 1