Le sentiment d'une nécessité à intégrer les questions touchant ou étant de nature(s) spirituelle(s) dans l'éducation des enfants et des adolescents est largement partagé et appliqué dans de nombreux pays (dans des écoles confessionnelles, privées et publiques), y compris ceux de l'espace francophone (Canada, Suisse, Belgique). Ces pays et d'autres (Italie, Brésil, Amérique Centrale...) reconnaissent généralement aussi la dimension de la spiritualité comme étant un objet de recherches à part entière, y compris pour les sciences de l'éducation.
En France, sous couvert général de laïcité et de rationalisme, la question de la spiritualité en éducation est le plus souvent éludée et son insertion directe dans les programmes n'est jamais advenue en tant que telle. Pourtant, on en trouve certaines facettes, que ce soient dans des disciplines (par les approches artistiques, historiques - connaissances des religions -, philosophiques...), ou encore dans des thématiques transversales (y compris dans le socle commun de compétences et de connaissances : vivre ensemble, développement de l'esprit critique, connaissance du monde, laïcité, culture humaniste...) ou enfin dans certaines pratiques corporelles (relaxation, yoga à l'école).
Le débat public sur l'éducation met régulièrement sur le devant de la scène tel ou tel aspect en lien avec la spiritualité mais sans jamais en dire le nom, et malheureusement trop souvent à l'occasion d'évènements dramatiques ou discriminatoires impliquant des croyances religieuses (tenues vestimentaires, signes religieux ostentatoires...). Les programmes mettent alors l'année qui suit l'accent sur tels ou tels aspects comportementaux ou intellectuels, mais ils ne développent pas les domaines de la "sensibilité humaine" (comme les intelligences intra ou inter-personnelles théorisées par Howard gardner), ni ne remettent en question les limites du paradigme éducatif actuel initié par Guizot (1787-1874) et quasiment inchangé depuis.
Une des voies ainsi explorées par les chercheurs et praticiens intéressés par ces questions est non pas d'implanter la dimension spirituelle dans les cursus, mais plutôt de faire évoluer les méthodes et façons d'enseigner pour intégrer de façon transversale certaines des valeurs de la dimension spirituelle, souvent déjà présentes dans le système éducatif, mais de façon diluée et peut-être insuffisamment consciente ou trop peu soutenue par les institutions : transversalité,
coopération, projet, différenciation, évaluation formative, statut de l'erreur...
Notre communication s'efforcera de distinguer la thématique principale des thématiques proches (instruction civique et morale, normes, éthique...). Elle montrera comment les autres disciplines l'intègrent déjà dans leurs champs de recherche et d'enseignement en France (médecine, psychologie, sociologie, sciences politiques, de gestion...). Elle proposera un état de l'art global des réseaux, groupes de recherche, institutions, formations, enseignants et chercheurs qui abordent en parti ou totalement les questions de "la spiritualité" pour la faire
connaître et pour progresser dans sa compréhension et ses applications. Elle nous interrogera aussi sur le bien-fondé et les formes possibles éventuelles d'une intégration dans les curricula.
Bibliographie :
- Barbier, René. "Éducation et sagesse. La quête de sens", 2001, Question de n°123, Albin Michel.
- Morin, Edgar, "Enseigner à vivre : Manifeste pour changer l'éducation", Actes Sud, 2014.
- "Pratiques spirituelles, autoformation et interculturalité", revue Pratiques de formation, Analyses, n° 64-65, 2013.