4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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La ségrégation par les filières – le cas de l'enseignement secondaire à Genève vu par la presse
Fouquet-Chauprade Barbara  1, *@  , Sonia Revaz  1@  
1 : Groupe Genevois d'Analyse des Politiques Éducatives  (GGAPE)  -  Site web
* : Auteur correspondant

La façon dont les élèves sont répartis dans le système éducatif a des répercussions importantes en termes d'équité et d'efficacité (Hallinan, 1994 ; Duflo et al., 2008 Felouzis et al., 2011 ; 2013). Dans le canton de Genève, le choix s'est porté sur un renforcement des filières dès le secondaire 1. Ainsi, les élèves sont répartis dans trois, puis deux filières diversement exigeantes du point de vue des curricula. L'une des spécificités du fonctionnement politique de la Suisse est de proposer au peuple de se prononcer sur les grands choix de société. Et c'est précisément ce qui s'est passé à Genève en 2008 après plusieurs années de vifs débats débutés par une première initiative (IN 134). Celle-ci proposait un renforcement de la ségrégation par les filières, partant du postulat que chaque élève est rétribué scolairement à la hauteur de son mérite. Puis, a suivi une contre-initiative (IN 138), portée par les partis politiques de gauche, qui proposait un modèle scolaire à l'opposé, à savoir un modèle privilégiant une organisation en classes hétérogènes partant du principe que chaque élève aurait à gagner des autres. Finalement, face à ces deux projets diamétralement opposés à la fois dans leurs conceptions et les registres de justice qu'ils mobilisent mais aussi quant aux partis politiques les soutenant positionnés à l'opposé de l'échiquier politique, la Direction de l'Instruction Publique proposa un contre-projet tout en consensus : il s'agissait certes de passer d'un système mixte (avec coprésence d'établissements avec classes hétérogènes et d'autres avec regroupement par niveau) à un système totalement filiarisé, tout en proposant des passerelles et autres redoublements promotionnels sensés garantir aux élèves le passage dans l'une ou l'autre des filières en fonction de sa progression. Il apparait alors que ce contre-projet, qui sera finalement adopté en 2011 relève davantage du « garbage can model » (Cohen et al., 1972) qu'à une prise de décision rationnelle (Felouzis et al, 2013).

Nous nous questionnerons tant sur la nature des arguments avancés par chacun des acteurs scolaires, que sur leur conception de ce qu'est une école juste, sur l'évolution des conceptions et de leurs inscriptions dans des registres politiques distincts etc. Quels sont les registres de justice mobilisés pour défendre ou à l'inverse s'opposer au principe de ségrégation par les filières ? Quels acteurs portent l'une ou l'autre de ces logiques ? Quelles évolutions peut-on observer au fil des débats ?

Notre analyse portera sur la presse genevoise et romande de 2007 à 2015, particulièrement sur les journaux suivants : La Tribune de Genève, Le Temps, 24 Heures, et Le Matin. Les critères de sélection des articles sont les suivants : présence de mots-clés liés à notre recherche, rubrique et sujet. Le nombre d'articles s'élève actuellement à plus de 70. La méthode d'analyse repose sur le logiciel d'analyse de données textuelles ALCESTE. Il s'agira de repérer les lexèmes représentatifs des conceptions de chaque locuteur ou collectif de locuteur et de les contextualiser dans le temps afin de déceler une éventuelle évolution.

Les analyses permettront de définir l'espace des prises de position des acteurs politiques sur l'école genevoise et d'aboutir à une sociologie des politiques d'éducation au plan des référentiels activés lors des débats engendrés par le processus d'élaboration de cette politique éducative.

Regard réflexif sur la question de recherche

Cette communication s'interrogera en définitive sur le lien entre recherche et politique. Dans un contexte politique singulier tel que celui de la Suisse – et plus précisément du canton de Genève – où chaque citoyen peut se prononcer sur des questions sociétales majeures telles que l'éducation, comment articuler les résultats de recherche et les politiques scolaires? Alors que la littérature internationale montre l'inefficacité de la filiarisation des élèves (Felouzis et al., 2011), pourquoi un tel choix politique s'est finalement imposé? L'enjeu d'un tel questionnement est finalement d'appréhender dans quelle mesure ces deux logiques – recherche et politique – sont effectivement articulées.

Références bibliographiques

Cohen, Michael, James March et Johan Olsen. 1972. A Garbage Can Model of Organizational Choice. Administrative Science Quarterly 17(1) : 1-26. Hallinan, 1994

Duflo, E., Dupas, P., & Kremer, M. (2008). Peer Effects and the Impact of Tracking: Evidence from a Randomized Evaluation in Kenya. C.E.P.R. Discussion Papers.

Felouzis, G., Charmillot, S., & Fouquet-Chauprade, B. (2011). Les inégalités scolaires en Suisse et leurs déclinaisons cantonales : l'apport de l'enquête Pisa 2003. Revue suisse de sociologie, 37(1), 33-55.

Felouzis, G., Charmillot, S., & Fouquet-Chauprade, B. (2013). Comment organiser l'enseignement secondaire obligatoire ? Une politique publique et son analyse dans le canton de Genève. Revue suisse de sociologie, 39(2).


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