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Rendre visible le processus mental de l'activité professionnelle est une volonté forte en formation. Investiguer la signification de l'activité réelle et les affects qui la sous-tendent concourt à la transformation de cette activité mais aussi au développement professionnel des sujets. L'appropriation des savoirs a alors tout intérêt à être conçue en connexion avec la diversité et la richesse des apprenants. C'est dans ce cadre que s'inscrit notre recherche. Nous avons étudié comment, chez les étudiants infirmiers, la préoccupation du soin bien fait interfère dans leur sentiment d'être capables de devenir professionnel. Des recherches ayant montré des progrès cognitifs lors d'interactions symétriques des pairs, notre postulat était que le débat entre étudiants sur le conflit de critères de qualité de soin a une double fonction. Les étudiants auraient la possibilité d'imaginer à la fois une autre façon de soigner et une autre façon d'être face au soin. La théorie historico-culturelle et l'analyse psychologique de l'activité en situation de travail nous ont permis de questionner le rapport entre le développement de l'activité et celui de l'identité professionnelle des étudiants infirmiers dans la situation discursive d'analyse qui les a réunis. Si les volets du développement professionnel « apprendre à faire son métier » et « apprendre à être à son métier » ont été mis en évidence, notre recherche porte sur leur rapport, ce qui n'avait pas été précisé jusqu'alors. Nous avons montré comment les coexplicitations menées en clinique de l'activité constituent une opportunité dans l'émergence et l'évolution du processus de transformation des étudiants infirmiers, au niveau de leur manière de faire le métier et d'être face à ce métier, à partir de la question de recherche suivante : En clinique de l'activité, par quel processus consubstantiel de généricité-spécificité l'étudiant infirmier accroît-il son pouvoir d'agir à la fois sur son soin et son identité professionnelle ?

Pour comprendre comment l'étudiant infirmier a accédé à son identité professionnelle et à son pouvoir d'agir sur elle en clinique de l'activité, le dispositif de recherche mis en place a relevé de la méthode d'autoconfrontation croisée, où l'image vidéo a été le support des observations. Cette méthode indirecte a permis d'analyser ce qui est inconscient dans l'expérience vécue de soin en regard du genre professionnel et du style de l'action. Le retour au réel a pu donner une histoire aux activités impossibles. Étant dans une démarche compréhensive, quatre étudiants infirmiers de 3ème année volontaires ont redécouvert en binôme leur activité réalisée en service de chirurgie auprès d'un patient consentant et distinct pour des questions éthiques et déontologiques. Le dispositif de recherche a montré l'évolution du conflit créé entre sens et efficience, à partir d'analyses successives et d'une variation de destinataires : le chercheur ; l'autre étudiant du binôme ; quatre formatrices afin d'institutionnaliser les controverses des étudiants.

Les résultats ont révélé que chaque étudiant a reconnu le style dominant de son camarade à travers son efficacité, ainsi que l'identité professionnelle qui s'en est dégagée dans l'activité discursive. De là, chacun a envisagé de reconstruire son style selon un acte volontaire et intelligent en regard de ce qui lui est utile dans le style de son camarade. Dans cet apprentissage par imitation interactive, l'étudiant a désiré s'approprier le style du pair pour son propre développement et le retoucher à sa façon pour agir efficacement sur le réel. Cela lui permettrait de gagner en compétences et de soigner le patient dans toutes ses dimensions. Le métier pourrait alors lui aussi s'enrichir par la mise en patrimoine des styles des sujets novices dès la formation initiale, en référence aux règles déterminées et partagées ensemble, et plus seulement des styles des sujets expérimentés. De plus, les étudiants s'étant reconnus mutuellement comme des référents identitaires, l'identité professionnelle de l'un serait constitutive de celle de l'autre, en regard d'un sentiment d'unité personnelle et de continuité temporelle rendant ainsi leurs styles complémentaires et non substituables.

Si ces résultats confirment que le style est un élément clé de l'identité professionnelle, ils apportent aussi un regard nouveau sur le développement de l'identité professionnelle de l'étudiant infirmier avec le désir d'instrumentaliser le style qui caractérise le plus le pair. Cette volonté lui permettrait de transformer ses manières de faire le soin et ses manières d'être lors du soin, comme les étudiants l'ont d'ailleurs rapporté après leur stage suivant. Bien que ce modèle d'analyse mérite d'être étendu à d'autres cas pour une montée en généralité des résultats, il présente un intérêt pour les formateurs et tuteurs de stage. Il leur offre un axe de réflexion sur le débat de métier au sein de l'organisation apprenante afin que les étudiants puissent accroître leur pouvoir dans le développement des règles du métier et dans le sentiment de se sentir professionnel. Les résultats de cette étude de compréhension selon la pensée par cas pourraient être transférés à d'autres domaines.

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