4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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L'emprise des fondateurs sur le devenir des institutions éducatives : l'exemple d'une école nouvelle. L'apport de deux démarches : la socio-histoire et la clinique d'orientation psychanalytique.
Helene Kolebka  1@  
1 : Centre interdisciplinaire de recherche, culture, éducation, formation, travail  (CIRCEFT)  -  Site web
Université Paris VIII - Vincennes Saint-Denis : EA4384
PARIS 8 - 2, rue de la liberté 93526 Saint-Denis Cedex -  France

Je me propose de rendre compte d'une recherche en cours sur une des fondatrices d'école nouvelle et sur l'empreinte qu'elle a laissée sur les générations suivantes de directeurs. J'expliciterai brièvement le contexte de l'éducation nouvelle et le cadre de la recherche, la méthodologie, la démarche et les résultats attendus. Puis, je me questionnerai sur le contre-transfert du chercheur. A travers ce travail, je m'interrogerai sur la question de la complémentarité de deux approches en sciences de l'éducation : celle de la socio-histoire et celle de la clinique d'orientation psychanalytique, "deux paradigmes qui pèsent sur notre façon de penser". Ceux-ci permettent d'avoir une démarche réflexive afin de répondre aux questions que nous nous posons.

1°) Contextualisation de l'éducation nouvelle

L'éducation nouvelle rassemble une constellation d'écoles et de pratiques aux fondements théoriques et politiques différents. En ouvrant des écoles nouvelles, les créateurs souhaitaient modifier une éducation traditionnelle au profit d'une autre façon de penser l'école. Au-delà de cette conception de l'école, leur démarche correspondait à une certaine façon de concevoir la société. Leur idée était d'éduquer les enfants de telle sorte qu'ils deviennent des hommes libres et autonomes. Aujourd'hui, il reste très peu d'écoles nouvelles, celles-ci marginales sont de petits établissements privés dont la création remonte, pour la plupart, autour des années 1945-1965. Chacune de ces institutions a eu pour fondateur une figure charismatique de l'éducation nouvelle.

2°) Le cadre de la recherche. Le mythe des origines

Je m'interroge sur le lien qui peut exister entre l'origine de l'institution et son fonctionnement actuel, sur le fondateur et sur ceux qui vont lui succéder. Quelle est la place d'un mythe des origines et comment ce mythe est-il vécu par les générations suivantes? Comment est-il transmis? En quoi la transmission inconsciente de ce mythe influe-t-elle sur le devenir de l'institution? J'émets l'hypothèse que des institutions issues de l'éducation nouvelle et leur ancêtre fondateur exercent une forme de relation d'emprise sur les générations suivantes.

L'étude sur le terrain se porte dans un premier temps sur l'Ecole Emilie Brandt qui a une conception de l'enfant fondée sur le respect de son individualité et de ses rythmes, sur sa capacité à être acteur de ses apprentissages. Une étude socio-historique concernant la fondation de l'école m'a permis de me pencher sur Emilie Brandt (1879-1963) grâce à des archives et des lectures d'ouvrages. E. Brandt, jardinière d'enfants de formation fröbelienne, a créé de nombreux jardins d'enfants, écoles et des écoles de jardinières d'enfants. Une approche plus clinique me permet d'entendre des discours subjectifs sur la directrice qui a marqué, à la suite d'E. Brandt, cette institution. Il semble que la directrice actuelle tente de poursuivre l'oeuvre commencée par les directrices et fondatrices précédentes. Pour trouver sa place au sein de cette institution, elle doit assurer la continuité de l'ensemble auquel elle appartient (P. Aulagnier).

Cette communication visera à analyser, à travers quelques extraits d'entretiens, comment les sujets s'inscrivent dans une continuité généalogique, quelle est la part d'emprise, au sens de R. Dorey, des fondateurs, emprise réelle ou relevant d'un mythe des origines.

Les deux approches employées dans cette recherche semblent complémentaires. La socio-histoire permet d'étudier des institutions actuelles au regard de leur histoire, alors que la démarche clinique, selon C. Revault d'Alonnes, renvoie à une orientation épistémologique dans les sciences humaines, un mode de construction de connaissances des phénomènes humains. L'approche clinique vise une compréhension en profondeur des situations et à produire, à partir du sujet singulier, des connaissances singulières mais qui peuvent être généralisables. Cette approche prend en compte les processus psychiques, pour la plupart inconscients.

3°) Le contre-transfert du chercheur

A l'heure actuelle, alors que l'étude de terrain n'a pas fini d'être analysée, retracer l'histoire de cette école nouvelle me donne la possibilité de comprendre ma posture de praticienne puis de chercheuse. La démarche clinique me permet d'avoir une approche réflexive par rapport à l'objet de cette recherche. Qu'est-ce qui m'a amenée à me poser cette question? Quelle est ma place dans cette recherche et comment puis-je passer d'un terrain professionnel à celui de recherche? En quoi la subjectivité du chercheur comme l'a décrite G. Devereux peut-elle gêner ou enrichir l'analyse de données? Il s'agit de travailler sur l'analyse du contre-transfert du chercheur. Selon cet auteur, cette analyse permet de produire davantage de données sur la nature humaine.

En conclusion, nous pouvons ainsi nous interroger sur les paradigmes qui pèsent sur notre façon de se questionner. Les sciences de l'éducation forment davantage un groupement de disciplines qu'une discipline singulière. Mais l'interdisciplinarité me permet dans cette recherche de mettre en perspective deux démarches : la socio-histoire et la clinique d'orientation psychanalytique. Cette complémentarité semble indispensable pour mener à bien cette recherche.

 

Bibliographie

AULAGNIER, P., (2003, 1975), La violence de l'interprétation, en particulier le chapitre IV : "l'espace où le Je peut advenir" pp. 129-213, Paris : PUF.

DEVEREUX, G., (2012, 1967), De l'angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris : Flammarion 474 p.

DOREY, R., (1992), "Le désir d'emprise" in Revue française de psychanalyse, n°5 Paris : PUF, Tome LVI pp. 1423-1432.

REVAULT D'ALONNES, C., (dir), (1999), La démarche clinique en sciences humaines, Paris : Dunod, 220 p.


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