Communication insérée dans le symposium intitulé
« Développement des « éducations à » et acculturation scientifique ».
Résumé
Des préoccupations sociétales actuelles (développementale, climatique, énergétique, etc.) mettent en avant les questions de soutenabilité et de durabilité. Elles pénètrent l'Ecole avec la prise d'importance des « éducations à » (au développement durable, à la santé, aux risques, à la solidarité, etc.), provoquant une anthropisation de nombre de problèmes scientifiques étudiés en classe, et visant une évolution des comportements des élèves et leur engagement dans des actions concrètes. Nous nous intéressons à l'éducation nutritionnelle, une composante de l'éducation à la santé, où, alors que les instructions officielles expriment désormais une ouverture sociétale affirmée, des pratiques, des dispositifs et des objets scolaires à visée éducative semblent se pérenniser : le classificatoire peu problématisé des aliments, le recours récurrent à des supports documentaires controversés (la pyramide nutritionnelle par exemple), la tendance à inculquer des normes. Dans ce contexte, comment les enseignants se représentent-ils l'éducation nutritionnelle ? Comment la conjuguent-ils aux apprentissages disciplinaires ? Dans quel système de tensions s'inscrivent leurs pratiques « ordinaires » ? Notre recherche, conduite selon une double approche, didactique et info-communicationnelle, s'appuie sur l'idée que le traitement des problèmes scientifiques relève d'une problématisation explicite quand les problèmes quotidiens reposent sur des évidences non questionnées. Elle interroge la nature hybride des problèmes d'éducation nutritionnelle (ils sont scientifiques, anthropocentrés, et renvoient à des situations de la vie quotidienne) et leur part d'indétermination (ils ont des solutions multiples ; les données servant à les travailler sont incomplètes) ce qui rend leur traitement difficile. Elle se déploie dans l'étude du fonctionnement de deux enseignantes expérimentées de l'école primaire (une enseigne au CP, l'autre au CE2), dont les séquences d'enseignement « ordinaires » reposent sur l'emploi de deux documents particulièrement usités à l'école : la fleur des aliments et la pyramide alimentaire. Elle se base sur les transcriptions des séquences, les productions des élèves et les documents mobilisés et, par une analyse du guidage des élèves par les enseignantes et de l'intégration des supports pédagogiques dans le déroulement des leçons, elle précise le système de tensions dans lesquelles se trouvent ces enseignantes, dans un temps scolaire contraint. Elle caractérise leurs pratiques entre la construction de savoirs scientifiques, l'éducation au choix et l'appropriation de normes et elle jauge les choix et les solutions qu'elles privilégient à l'aune de ce qu'ils permettent aux élèves de se distancier du sens commun.
Bibliographie
Béguin-Verbrugge, A. (2006). Images en texte, images du texte : dispositifs graphiques et communication écrite. Villeneuve d'Ascq : Presses universitaires du Septentrion.
Fabre, M. (2014). Le flou des questions socialement vives. In Fabre, M., Weil-Barais, A. & Xypas, C. (dir.) (2014). Les problèmes complexes flous en éducation. Bruxelles : De Boeck. pp.21-35.
Fleury, B. & Fabre, M. (2006). La pédagogie sociale : inculcation ou problématisation ? L'exemple du développement durable dans l'enseignement agricole français. Recherches en Education, n°1, 67-78.
Lange, J.-M. (2011). Éducation au développement durable : éléments pour une problématisation de la formation des enseignants. Carrefours de l'éducation, HS n°1, 71 – 85.