Cette communication s'appuie sur un travail doctoral interrogeant les mécanismes d'une ségrégation universitaire en région Île-de-France, par analogie avec les recherches menées sur les niveaux primaire et secondaire du système scolaire français (van Zanten 2001; François & Poupeau 2008). Cette région capitale comprend en effet seize universités publiques dont le recrutement étudiant est différencié socialement et scolairement. Par exemple, parmi les étudiants entrant pour la première fois à l'Université en 2011 en Droit, seuls 15% sont d'origine sociale très favorisée à Paris 13, université située à Villetaneuse en Seine-Saint-Denis, contre plus de 60% à Paris 2 Assas (données MESR-SISE, 2011 détaillant la catégorie socioprofessionnelle du parent référant de chaque étudiant inscrit). Cette répartition inégale des étudiants selon leurs caractéristiques sociales et scolaires peut être interrogée à partir des systèmes d'affectation dans l'enseignement supérieur français.
Depuis la rentrée 2009, le système national Admission Post-Bac affecte les étudiants dans les différentes filières, qu'elles soient sélectives (classes préparatoires, sections de techniciens supérieurs, doubles Licences, etc.) ou non (le code de l'éducation garantit l'accès aux cursus universitaires dits « non sélectifs » pour les bacheliers de chaque académie). La comparaison avec le système antérieur d'affectation à l'entrée dans le supérieur en Île-de-France, RAVEL, permet de souligner les effets ségrégatifs de ces deux types de systèmes : la sectorisation pour RAVEL, puis, à partir de 2009 pour Admission Post-Bac, une inégalité d'accès selon l'académie de passage du baccalauréat pour les filières en tension comme le Droit. Ces inégalités d'accès et leurs effets ségrégatifs se comprennent en croisant le fonctionnement des systèmes d'affectation avec l'usage qu'en ont les étudiants (van Zanten 2015). Environ 80 d'entre eux ont été enquêtés entre 2011 et 2014 dans deux des seize universités franciliennes, Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. Après un bref exposé des règles d'affectation, cette communication discutera les effets ségrégatifs de RAVEL puis Admission Post-Bac, avant de proposer des perspectives suite à la très récente réforme de ce dernier, annoncée en décembre 2015. De façon plus générale, ce travail sur l'entrée dans l'enseignement supérieur s'appuie sur les recherches menées dans le secondaire autour de la carte scolaire et de son assouplissement (Oberti et al. 2012; Merle 2011). Il permet donc de souligner la cumulativité des mécanismes de reproduction sociale par le système scolaire, du primaire à l'Université.
Regard réflexif sur la question de recherche
Cette communication interrogera les postulats et méthodes choisies pour objectiver le fonctionnement des systèmes d'affectation et les implications en termes de positionnement de recherche et de lien avec l'action publique (diffusion des résultats de la recherche, proposition d'ajustements).
Références bibliographiques
François, J.-C. & Poupeau, F., 2008. Le sens du placement : ségrégation résidentielle et ségrégation scolaire, Paris: Raisons d'agir.
Merle, P., 2011. La carte scolaire et son assouplissement. Politique de mixité sociale ou de ghettoïsation des établissements ? Sociologie, 2, p.37‑50.
Oberti, M., Préteceille, E. & Rivière, C., 2012. Les effets de l'assouplissement de la carte scolaire dans la banlieue parisienne, OSC Sciences-Po.
van Zanten, A., 2001. L'école de la périphérie : scolarité et ségrégation en banlieue, Paris: Presses Universitaires de France.
van Zanten, A., 2015. Les inégalités d'accès à l'enseignement supérieur. Regards croisés sur l'économie, n° 16(1), p.80‑92.