4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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De la potentialisation à la réélaboration des situations de travail, le cas des conseillers agricoles
Sophie Duhamel  1, *@  , Marianne Cerf  2, *@  , Paul Olry  3, *@  
1 : ADEME - INRA Science pour l'Action et le Développement  (ADEME - INRA SAD)
Institut National de la Recherche Agronomique - INRA (FRANCE), Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie - ADEME
2 : INRA Science pour l'Action et le développement  (INRA SAD)  -  Site web
Institut National de la Recherche Agronomique - INRA
3 : Développement Professionnel et Formation  (DPF)  -  Site web
Agrosup Dijon
AgroSup Dijon 1 esplanade Erasme 21000 Dijon -  France
* : Auteur correspondant

De plus en plus de professionnels voient leurs environnements de travail et les exigences de leur métier évoluer très rapidement. Comment des professionnels peuvent-ils rester efficaces en valorisant ce qu'ils trouvent dans leur environnement pour s'adapter aux évolutions auxquelles ils font face ?

Nous abordons cette question avec des conseillers agricoles. Ces derniers ont toujours eu comme mission d'accompagner les agriculteurs dans la gestion de leur exploitation dans différents domaines (technique, administratif et comptable, commercial...). Ces professionnels accompagnent avant tout les agriculteurs pour résoudre des problèmes techniques et, plus récemment sont sollicités par les pouvoirs publics ou par les agriculteurs, pour aider ces derniers à changer leurs pratiques en fonction des enjeux environnementaux, bien que le « à quoi s'adapter » reste flou (Compagnone & al, 2009).

Jusqu'ici le monde du conseil agricole dispensait un conseil technique descendant et essentiellement centré sur la conduite des cultures. Il est aujourd'hui demandé aux conseillers de co-construire le conseil avec les agriculteurs dans une vision systémique de l'exploitation agricole resituée dans son environnement (Cerf & al, 2006). En effet, le changement de pratiques agricoles a pour levier la production de solutions agronomiques à des problèmes qui intègrent des effets jusque-là souvent impensés des dynamiques propres aux agrosystèmes.

Même si cela reste une prescription floue, ces élargissements de pensées et d'actions viennent perturber les conseillers et leurs pratiques d'exercice. Ainsi, se pose la question de leur développement professionnel dans un contexte où ils doivent accompagner les agriculteurs également confrontés à l'enjeu de faire évoluer leurs façons de penser et d'agir.

 

Nous avons choisi de comprendre la façon dont le métier se reconstruit à partir du travail qu'effectuent des conseillers agricoles dans leur environnement de travail pour réorganiser et reconfigurer leurs activités afin de s'adapter à leurs nouvelles situations de travail. Notre approche de l'activité inspirée de celle proposée par Savoyant (1979) privilégie la compréhension de la conceptualisation de l'action (Pastré & al, 2006) et met l'accent sur ce qui évolue au niveau de la base d'orientation de l'activité. L'activité est pour nous un analyseur pour comprendre la manière dont les conseillers s'appuient sur leurs situations de travail pour en constituer ou non des situations potentielles de développement (Mayen 1999). Nous considérons que cette « potentialisation » suppose d'une part un espace dédié à la réflexivité pour permettre un travail sur les situations, engendrant une évolution dans leurs significations, et d'autre part un espace possible d'actions. C'est à partir de cette hypothèse que nous essayons de pister ce qui se joue dans un processus de développement professionnel.

Les conseillers agricoles retenus dans l'étude participent à un projet « CHANGER » qui propose des espaces de réflexion et d'échange d'expériences professionnelles entre pairs. Partant du postulat que les conseillers agricoles sont les mieux à même de nous donner à voir leurs pratiques, nous observons la façon dont ils s'essaient à de nouvelles manières de faire advenir le conseil (suivi longitudinal de 5 conseillers, film si possible suivi d'un entretien d'explicitation). Nous documentons avec eux la façon dont s'est construit au fil de leur histoire professionnelle ce qu'ils jugent efficace aujourd'hui dans leur activité (entretien d'explicitation avec 10 conseillers sur une trajectoire professionnelle) et nous observons les réunions d'échange dans lesquelles les conseillers traitent entre eux des évolutions et des situations d'action auxquelles ils sont confrontés. Ces données sont analysées pour comprendre comment le développement de leur activité s'opère : (i) dans la saisie qu'ils font des situations qu'ils rencontrent dans leur travail et dans des contextes de formation ; (ii) dans les tentatives qu'ils font pour faire advenir autrement le conseil en situation.

 

Sur ce qui se joue dans les échanges entre pairs, nos premiers résultats montrent une réelle prise de conscience concernant l'agir dans des situations de travail en évolution grâce au travail effectué dans les groupes d'échanges, via une préparation et un débriefing des situations à l'aide d'outils. Ces travaux aident à repenser les situations vécues ou à venir : les dimensions agissantes des situations sont mises en avant. Cela permet un élargissement des possibles, une meilleure perception des différentes façons de faire, pour ainsi mieux se projeter dans l'agir. Ces moments permettent une compréhension plus larges des situations et peuvent conduire à des prises de risques favorisant une ouverture du champ des possibles d'action. Ces discussions, réflexions et retours sur les actions redonnent, pour certains, du sens et une cohérence dans l'exercice du métier. Pour d'autres, ce sont les incohérences dans les actions demandées qui sont mises à jour. Ces retours réflexifs permettent une montée en généralité et une conceptualisation des situations de travail. Nous discuterons comment ces premiers éléments nous informe sur la façon dont les conseillers parviennent plus ou moins à potentialiser leurs situations de travail pour en faire des ressources pour leur développement professionnel.

***

 Nous considérons qu'en suivant des professionnels en exercice, sous l'angle du travail et de l'individu, nous pourrons analyser un processus de développement professionnel. Une vision longitudinale nous parait appropriée pour saisir des évolutions dans les modes de pensées et d'actions sur un temps long. Le comprendre est donc notre ligne directrice pour cerner ces évolutions imbriquées dans une dynamique temporelle, en nous invitant à appréhender le changement de pratiques dans sa globalité.

 

 

Bibliographie :

- Cerf, M., & Maxime, F. (2006). La co-production du conseil : un apprentissage difficile. In J. Rémy, H., Brives, & B. Lémery (Eds.), Conseiller en agriculture (pp. 137-152). Dijon: Educagri Éditions.

- Compagnone, C., Auricoste, C., Lemery,B. (2009). Conseil et développement en agriculture : quelles nouvelles pratiques ?. Educagri / Quæ, 2009, 200 pages.

- Savoyant, A. (1979). Éléments d'un cadre d'analyse de l'activité : quelques conceptions essentielles de la psychologie soviétique. Cahiers de Psychologie, 22, 17-28.

- Pierre Pastré, Patrick Mayen et Gérard Vergnaud, « La didactique professionnelle », Revue française de pédagogie [En ligne], 154 | janvier-mars 2006, mis en ligne le 01 mars 2010, consulté le 12 février 2013. URL : http://rfp.revues.org/157

- Mayen, P. (1999). Des situations potentielles de développement. Education Permanente, 139, 65 - 86.


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