4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Les enseignants en zone d'éducation prioritaire face aux réussites scolaires.
Caroline Hache  1, *@  , Jean Ravestein  1, *@  
1 : Aix-Marseille Université  (AMU)  -  Site web
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
Aix-Marseille Université Jardin du Pharo 58, bd Charles Livon -13284 Marseille Cedex 07 -  France
* : Auteur correspondant

Les textes officiels énoncent des exigences similaires pour tous les élèves du territoire français (MEN, 2003). Or, en zone d'éducation prioritaire (Ex-ZEP, REP+ aujourd'hui) le niveau scolaire est plus bas et les problèmes de violence plus importants qu'ailleurs (Duru-Bellat & Piquée, 2004). L'exercice du métier d'enseignant y est particulièrement difficile voire impossible (Guillaume, 2001). Pourtant, les pouvoirs publics reconnaissent des réussites paradoxales et mettent en place des dispositifs particuliers pour permettre à des élèves en grande réussite scolaire (EGRS) de poursuivre leurs études vers des hauts niveaux de qualification, par exemple les internats d'excellence (2008[1]). D'autres initiatives, telles que les PQPM[2] (Pourquoi pas moi ?) ou les CPES[3] (classes préparatoires aux études supérieures) accompagnent les jeunes de milieux défavorisés pour les amener à entrer en classe préparatoire aux grandes écoles. Enfin, les Instituts de Sciences Politiques ont mis en place les CEP[4] (convention éducation prioritaire) pour permettre à des étudiants boursiers d'être admis dans cette grande école, non pas en réussissant le concours, mais par une autre voie sélective.

La littérature scientifique, indique que les élèves en réussite scolaire existent dans les milieux défavorisés, réussite moins fréquence et qualifiée de « paradoxale » (Charlot, Bautier & Rochex, 1992). Ainsi, Castets-Fontaine décrira le destin scolaire de quarante-cinq jeunes issus des ZEP ayant atteint les grandes écoles grâce à un « cercle vertueux de la réussite » (Castets-Fontaine, 2011).

Praticien et chercheur en sciences de l'éducation, nous sommes allés sur le terrain pour observer ces EGRS dans une école de ZEP. Cette posture de praticien-chercheur garantit une « vigilance épistémologique » (Sensevy, 1994) par la connaissance réelle du quotidien des acteurs de terrain ; la présence du chercheur assure le regard théorisé sur les pratiques. Ainsi, nous espérons avoir accès « à des mouvements qui ne peuvent apparaître à aucun autre regard » (ibid.). La part de subjectivité importante de cette posture particulière a imposé un travail de distanciation sans cesse renouvelé, possible par un travail en équipe lors des analyses.

Sur le terrain, les professeurs des écoles (PE) ne se retrouvent pas dans l'optimisme politique ou scientifique concernant les EGRS et leur prise en charge fait débat en ZEP. Leur présence, abordée lors de nos premières rencontres avec les professionnels, pose des problèmes dans la gestion et l'organisation de la classe et des apprentissages. Leur avenir sur le chemin de la réussite est mis en doute par la thèse du handicap socio-culturel (Synders, 1976), une influence du milieu familial et social ne dotant pas l'élève des bases culturelles et linguistiques pour réussir à l'école (Tazouti, 2002). Cet avis est celui de quelques enseignants exerçant dans une école de ZEP à Marseille. Est-ce un avis partagé par l'ensemble du corps enseignant travaillant dans les milieux défavorisés ? Notre étude donne la parole aux enseignants, par des entretiens réalisés avec dix PE travaillant à Marseille, dans le 15ème arrondissement. Ces entretiens font suite à un questionnaire à destination de l'ensemble des PE exerçant dans un établissement ZEP en France, qui a permis de récolter l'avis de 2490 répondants. Cette nouvelle approche méthodologique complète qualitativement la première étude plus quantitative.

Comment les enseignants de ZEP perçoivent les EGRS dans leurs classes : qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Que font les enseignants avec eux, pour eux ? Notre recherche montre la relativité du concept de réussite chez les professionnels et un dissensus quant aux critères pour l'évaluer dans le cadre scolaire. Pour eux, le « milieu familial » reste la principale variable explicative de la réussite de l'élève. La très forte hétérogénéité des classes, accentuée par la présence d'élèves en grande difficulté mais aussi en grande réussite scolaire, amène les enseignants à se sentir en échec professionnel. Ils avouent ne pas réussir à s'occuper de tous, réservant l'étayage aux plus faibles, empêchant ainsi les EGRS d'accéder à leur développement potentiel (Vygotsky, 1980) par l'absence de coopération avec une personne experte. Même si les EGRS sont perçus comme des élèves chronogènes et ont une place dans la topogénèse de la classe en y jouant un rôle particulier, leurs apprentissages peuvent être freinés. Toutefois, nombre d'enseignants fait appel à différents dispositifs particuliers, comme le tutorat, l'inclusion ou encore le passage anticipé.

 

Thème transversal : Notre interrogation, tout au long de notre présentation, se situera dans le volet « comprendre » et questionnera notre posture de praticien-chercheur décrite plus haut, particulièrement importante lors des entretiens réalisés avec les enseignants.



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