Résumé : Dans le cadre d'une recherche portant sur le doctorat par Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) dans le domaine de l'architecture, les chercheurs sont inscrits dans des contextes et soumis à des contraintes qui les conduisent à mettre en œuvre des mécanismes de transaction et de régulation afin de mener à bien leur recherche-action. Cette recherche a pour objectif l'analyse des référentialités et de la modularisation de la formation doctorale d'une part, et la professionnalisation des accompagnateurs d'autre part, dans le cadre expérimental d'une Communauté d'universités et d'établissements de l'Est parisien, dans le cadre d'une projet IDEA/ANR (2015-2017). Les candidats architectes (enseignants de 3 écoles d'architecture de l'Est-parisien, n=19), les accompagnateurs académiques (HDR, n= 4), constituent principalement notre population d'étude grâce à laquelle nous avons constitué un corpus qui regroupe tous les comptes-rendus du comité de pilotage (n=5), des commissions VAE, des réunions avec les collègues d'école doctorale (n=5) et du laboratoire de rattachement (n= 3) au sein duquel les candidats sont accueillis. La démarche réflexive des chercheurs à propos de leurs questions de recherche invite à s'interroger sur les finalités qui les sous-tendent. Sont-elles une émanation d'un produit transactionnel entre les parties prenantes (chercheurs, enseignants, professionnels, directeurs de laboratoires, directeurs d'écoles doctorales, accompagnateurs, candidats, etc...) qui continuellement se modifie au gré à la fois de l'évolution du dispositif expérimental de certification, de l'effet transformateur de l'évaluation formative, et des enjeux politiques, économiques, académiques et scientifiques de la recherche expérimentale ?
Les questions de recherche reposant sur la nécessité d'établir un état des lieux qui porte sur les procédures et les pratiques en matière de délivrance du doctorat par VAE supposent une régulation des tensions entre logique d'identification de marché et de modélisation pédagogique des démarches d'accompagnement et d'évaluation sommative. Quelles sont alors les postures adoptées par les chercheurs ? Quelles conséquences cela peut-il avoir sur les choix épistémologiques et méthodologiques en lien avec leur recherche ? S'inscrivent-ils dans « un entre continu » ? Comment les chercheur-e-s s'arrangent-ils avec les cadrages que les parties prenantes, notamment celles qui émanent du comité de pilotage de l'expérimentation tentent de proposer ou d'imposer subrepticement en matière de référentialisation des compétences de recherche dans le champ de l'architecture? Comment penser la transposition des résultats issus du champ expérimental à d'autres champs disciplinaires pour engager une véritable institutionnalisation du dispositif du doctorat par VAE ? Ou encore, comment les résultats de recherche concrétisent-ils une aide à la décision politique influencée par un nombre de variables bien plus important que celles investiguées ?
Toutes ces questions portent l'intérêt de mobiliser deux paradigmes qui sont ceux de la transaction et de la régulation pour tenter d'analyser un lieu et un non-lieu de cette recherche, ainsi que la variation des positionnements des chercheurs dans un espace transitionnel. Autant le premier permet d'appréhender la réalité sociale relative à cette recherche comme une construction diffuse, non formalisée bien qu'une formalisation ou explicitation puisse apparaître à certains moments de la construction de micro compromis pratiques par apport à de multiples enjeux interférant entre eux, la régulation sociale, quant à elle permet de trouver un équilibre en tenant compte des intérêts souvent contradictoires des acteurs concernés par la recherche. Les déterminants de la réussite de notre expérimentation suscitent la recherche de nouveaux équilibres qui peuvent s'opérer soit dans l'ordre (régulation de contrôle), soit dans l'action (régulation innovation). Pour ce qui est de la transaction sociale, elle est intimement liée à l'action et identifie les éléments qui conduisent sur les voies de l'innovation sociale. Aussi, faisons-nous l'hypothèse que les chercheurs, dans un processus réflexif, aménagent cet espace à partir de compromis de coexistence et qu'ils administrent des processus de régulation pour réduire les éléments d'incertitude et d'imprévisibilité qui caractérisent les rapports sociaux au centre de cette recherche-action où le caractère biographique est manifestement important.
Blanc, M. (dir.) (1992). Pour une Sociologie de la transaction sociale. Paris : Éditions L'Harmattan.
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Freynet, M.-F., Blanc, M. & Pineau, G. (1998) (Dir.). Les Transactions aux frontières du social : formation, travail social et développement local. Lyon : Éditions Chronique sociale.
Reynaud, J.-D. (1988). Les régulations dans les organisations : régulation de contrôle et
régulation autonome, Revue Française de Sociologie, n° 29, 5-18.
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