Sympoisum "Sciences, cultures, sociétés"
La communication proposée, faisant suite à une recherche empirique interrogeant la part culturelle des savoirs scientifiques à l'école dans un contexte de rapports de domination (une ancienne colonie française), a pour objectif de situer le concept de "colonialité" à travers ses usages dans la littérature scientifique. L'esquisse définitoire de ce concept permet de revenir sur les apports théoriques majeurs du groupe de recherche Modernité/Colonialité. Les membres de ce réseau transdisciplinaire (sciences, politiques, anthropologie, soiologie...) ont pour objet de recherche commun d'autres modes de connaissance. S'inscrivant en réaction à l'expérience de l'esclavage, de la colonisation et de l'hégémonie des sciences occidentales fondées sur une raison universelle "où le sujet n'a ni genre, ni ethnie, ni classe, ni spiritualité, ni langue, ni localisation (...)" (Grosfoguel, 2007, p. 64), ce courant de pensée est intéressant par l'importance accordée aux contextes soicaux et culturels d'énonciation de la connaissance et à la déconstruction volontairement "située" d'une lecture ethno-centrée de la modernité, et à travers elle, du savoir.
Une fois situé historiquement (Bandung, 1955), géographiquement (universitaires sud-américains), de manière épistémique (filiation paradigmatique au "système-monde", Wallerstein, 2006), et dans sa diversité typologique (colonialité du pouvoir, du savoir et de l'être), le concept de colonialité est approfondi par le lien qu'il entretient avec la connaissance. La réflexion invite à considérer la supériorité des savoirs produits en Occident sur toute autre forme de connaissance, ainsi qu'à prendre en compte la dimension épistémique des relations coloniales de pouvoir dans son implication à créer des inégalités dans la production des connaissances. Ce courant théorique suggère de dépasser le concept bourdieusien de violence symbolique en discutant de la "violence épistémique" (Spivak, 1988). Ce dernier concept sert à appréhnder d'un point de vue socio-historique, les savoirs scolaires et les normes philosophiques et scientifiques sur lesquels ils reposent. Il donne à penser la filiation des savoirs scolaires à la science telle qu'elle s'est développée en Europe occidentale; il donne à voir le contexte de collaboration de la science occidentale à la légitimation de l'entreprise coloniale, et l'implication du système éducatif de type francophone dans l'entretien du processus de colonialité à travers les savoirs scolaires. Ces apports peuvent ainsi éclairer les situations d'acculturation antagoniste, d'hostilityé et-ou de rejet de la science occidentale et de son instrument de diffusion privilégié qu'est l'école.
Réflexion sur la question de recherche: influence des contextes sociétaux. Cette communication, basée sur l'exercice d'une note de synthèse, n'a donc pas de but plus ambitieux que de proposer un angle de vue différent sur les rapports sociaux interculturels et d'ouvrir des pistes d'analyse qui semblent dignes d'intérêt et fécondes en perspectives, au sujet du processus de subalternisation des savoirs et à travers eux, de commuautés par d'autres.
Références bibliographiques:
Grosfoguel, R (2007) "Decolonizando los universalismos occidentales : el pluriversalismo transmoderno decolonial desde Aimé Cesaire hasta los Zapatistas", in Castro-Gomez, Grosfoguel, El giro decolonial. Reflexiones para una diversidad epistémica mas alla del capitalismo global, Bogota, Siglo del Hombre, 63-78.
Spivak, G.C. (1988). Can the Subaltern Speak ?In Marxism and the Interpretation od Culture, 271-313. Urbana: University of Illinois Press.
Wallerstein, I. (2006), Comprendre le monde. Introduction à l'analyse des systèmes-monde. Paris: la Découverte.