4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Le toucher : un geste professionnel spécifique aux enseignants d'éducation physique. Ce qu'en disent les intéressés
Ghislain Carlier  1@  
1 : ABC-Educ

Le toucher : un geste professionnel spécifique aux enseignants d'éducation physique.

Ce qu'en disent les intéressés

 

Ghislain Carlier, UCL – IACCHOS – Louvain-la-Neuve

Hélène Degive, AESS éducation physique – Louvain-la-Neuve

Marie Clerx, UCL – IACCHOS – Louvain-la-Neuve

 

Résumé

 

Le toucher est un des gestes professionnels les plus spécifiques du métier des enseignants en éducation physique. C'est un des constituants de l'ADN de leur quotidien ordinaire. Or, l'évolution des mœurs dans la société et la mise en épingle par les médias de déviations à l'encontre des enfants et des adolescents (pédophilie) rendent les enseignantes et les enseignants méfiant-e-s à l'égard de cet acte incontournable de l'intervention. Certain-e-s, selon les contextes nationaux, ont peur voire refusent désormais de toucher les élèves, obnubilés par la crainte de recours de la part des parents. Incontestablement, l'étendue du répertoire de leurs gestes professionnels et leur liberté pédagogique sont mises en question.

Le but de la présente recherche est de faire émerger ce que disent des enseignants à propos de leur pratique relative au toucher des élèves. Au cours d'éducation physique, selon les disciplines enseignées, le toucher assure trois fonctions complémentaires : le toucher technique pour parer (en gymnastique), pour faire sentir une position (l'alignement en appui tendu renversé) ou un mouvement (la trajectoire du coude en lancer de javelot) ; le toucher affectif pour encourager, féliciter ou réprimander et le toucher instrumental pour organiser le placement des élèves ou du matériel (Boizumault & Cogérino, 2012).

Onze enseignant-e-s expérimenté-e-s (5 F, 6 H) participent à une interview semi-structurée. Ils-elles enseignent à des classes mixtes ou non, aux différents degrés de l'enseignement secondaire en Belgique francophone. L'analyse du verbatim des entretiens est effectuée à l'aide du logiciel N-vivo.

Les résultats montrent que les enseignant-e-s usent aisément du toucher technique dans l'enseignement des disciplines gymniques. Les femmes y recourent moins que les hommes dans l'enseignement des sports collectifs. Ces derniers n'hésitent pas à lui donner une signification complice, usant de stratagèmes de comédien favorables à l'installation d'un climat ludique propre à ce type de pratique et à l'interaction entre le professeur et les élèves.

En revanche, toutes et tous s'accordent pour reconnaître que les temps ont changé et qu'il convient d'être prudent lorsque l'on touche les élèves, en fonction de leur sexe et/ou de leur culture. Les collègues interviewé-s parlent spontanément de la gestion du toucher des élèves entre eux et des débordements fréquents qu'ils occasionnent.

Les résultats sont discutés à la lumière des concepts de proxémie (Hall, 1966), de la place du toucher parmi les cinq sens (Serres, 1985), de la philosophie du corps (Bernard, 1972 ; Andrieu, 2010) et de l'anthropologie du corps dans la modernité (Le Breton, 2008).

Les conclusions plaident pour une sensibilisation actualisée des questions liées au toucher en formation initiale et continue.

 

Contextualisation par rapport aux questions transversales du colloque : Comprendre

 

A l'école, le cours d'éducation physique est la seule discipline dont la mission est de développer les conduites motrices des élèves. Cela implique la mise en scène corporelle de l'enseignant et des élèves ainsi que des contacts non verbaux entre eux. Or, l'évolution des mœurs dans la société contemporaine s'exprime de manière dichotomique entre, d'une part, un lâcher-prise débridé véhiculé par les outils modernes de communication et, d'autre part, des velléités de retour à des normes plus rigides. Depuis les années '70, les programmes d'éducation physique n'ont cessé de plaider pour l'émancipation de la personne de l'élève par le moyen du développement des conduites motrices. Ce mouvement pédagogique libérateur (Haye, 2011 ; Lavie & Gagnaire, 2014) subit indéniablement les hésitations pédagogiques d'une école qui est en recherche de valeurs à actualiser en fonction de l'évolution de la société. La présente recherche contribue à la compréhension de ce phénomène par un intérêt pour les pratiques déclarées des enseignants d'éducation physique, en référence à leurs arts de faire au quotidien (de Certeau, 1990).

Elle s'intéresse à ce que disent les enseignant-e-s de ce qu'ils font et à vérifier comment leurs pratiques ordinaires se métamorphosent.

 

Bibliographie

 

Andrieu, B. (Dir.) (2010). Philosophie du corps. Paris : Vrin.

Bernard, M. (1995). Le corps. Paris : Seuil.

Boizumault, M. & Cogérino, G. (2012). La mise en scène corporelle de l'enseignant d'éducation physique. Les communications non verbales au service de l'efficacité de l'enseignant. STAPS, 98, 67-79.

de Certeau, M. (1990). L'invention du quotidien I. Arts de faire. Paris : Folio.

Haye, G. (Dir.) (2011). Le plaisir. Paris : Editions Revue EP&S.

Lavie, Fr. & Gagnaire, Ph. (Dir.) (2014). Plaisir et processus éducatif en EPS. Saint-Mandé : Edition AE-EPS.

Le Breton, D. (2008). Anthropologie du corps et modernité. Paris : PUF.

Serres, M. (1985). Les cinq sens. Philosophie des corps mêlés – 1. Paris : Grasset.

 

Mots-clés : éducation physique, communication non verbale, toucher.


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