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I. Le sentiment d'efficacité personnelle

Le jugement, le développement personnel occupent une place de choix dans les recherches en sciences humaines et sociales visant l'étude des pratiques professionnelles et de leurs transformations. Le sentiment d'efficacité personnelle (SEP) ou efficacité personnelle perçue « concerne la croyance de l'individu en sa capacité d'organiser et d'exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (Bandura, 2002, p.12). Inscrit dans le paradigme socio cognitif qui « accorde un rôle central aux processus cognitifs, vicariants, autorégulateurs et autoréflexifs dans l'adaptation et le changement humains » (Carré, 2004, p. 18), ces derniers mettent en avant le rôle du sujet social dans l'action. Bandura (2002) pose le modèle triadique de causalité réciproque décrivant le fonctionnement humain comme le résultat d'interactions dynamiques entre l'environnement ou le contexte, les facteurs internes à l'individu et ses comportements.

L'intérêt du concept d'auto efficacité est sa valeur prédictive sur le comportement, la pensée et l'affect des individus dans les situations à venir. Lorsqu'un individu décide d'entreprendre une action, ce dernier a besoin en amont d'espérer que cette dernière va fonctionner. « Pour entreprendre une action, il faut croire que cette action sera efficace, ce qui implique non seulement que cette action est efficace en général, mais également que je suis capable de l'accomplir » (De Almeida, Carapato, & Petot, 2004, p.138). Le problème réside alors dans l'évaluation de cette efficacité. Quels sont les indicateurs qui peuvent amener l'individu à penser que son action est efficace ?

Le sentiment d'efficacité personnelle des enseignants

Selon Bandura (2002), les croyances d'efficacité des enseignants ont un double enjeu. « Les croyances des enseignants en leur efficacité pédagogique déterminent partiellement leur façon de structurer les activités scolaires et façonnent les évaluations que font les élèves de leurs propres capacités intellectuelles. » (p.363). La mesure du sentiment d'efficacité personnelle des enseignants ne peut reposer sur la mesure à items uniques, trop généralistes et donnant peu d'informations spécifiques. En effet « le sentiment d'efficacité pédagogique des enseignants n'est pas uniforme dans les différentes matières » (ibid). Un niveau d'efficacité perçue élevé dans une matière n'implique pas le même niveau dans une autre matière d'où l'importance lors de la mesure de ces croyances, de mesurer les champs de connaissance spécifiques.

II. Vers la construction d'un sentiment de compétence

Le sentiment de compétence

Le sentiment de compétence s'appuie sur le sentiment d'efficacité personnelle (Bandura, 2002) en marquant sa différence quant à la place et au rôle du contexte. L'efficacité personnelle perçue aborde la notion d'efficacité dont les indicateurs sont prélevés dans le contexte par les acteurs. Selon Carré&Caspar (2011), « l'efficacité n'existe pas en soi mais est déterminée entre autre par le contexte » (p.240). Le sentiment de compétence relève plutôt d'une stratégie de l'individu à mobiliser des ressources internes et externes faisant ainsi appel à des capacités cognitives et métacognitives. Ces ressources sont issues du contexte ou de facteurs internes à l'individu. D'un processus inscrit dans l'action en contexte, nous évoluons vers un processus « sous jacent à l'action » (ibid) Il établit le passage d'une logique de tactique à une logique de stratégie lors duquel les notions d'efficacité, de rationalité et d'objectifs évoluent vers les notions de complexité, de globalité, d'écologie et de compétence.

III. Du sentiment d'efficacité personnelle au sentiment de compétence des enseignants de collège

Dans le cadre de plusieurs enquêtes menées auprès d'enseignants de collège (Safourcade, 2009,2012 ; Safourcade&Piquée,2012 ; Safourcade&Dubouix,2015) nous avons mesuré l'évolution des perceptions des enseignants lorsque leurs pratiques étaient rattachées à des logiques d'activités puis à des logiques de compétences. Ces résultats mettent en avant l'influence du contexte dans l'évolution des perceptions des enseignants. L'évolution d'une professionnalité centrée sur les compétences influence les processus socio cognitifs inhérents à l'action. Les enseignants ne prélèvent plus dans le contexte des indicateurs d'efficacité mais effectuent une lecture du contexte via les ressources internes et externes potentiellement disponibles.

IV. Retour réflexif des travaux menés dans le cadre de l'étude de processus socio cognitifs

Ces travaux souhaitent faire évoluer la compréhension des pratiques d'enseignement par la recherche de concepts issus de la socio cognition. Ils questionnent la place de l'auto et du jugement personnel. Ils souhaitent dépasser le cadre de la recherche d'indicateurs d'efficacité externes en éducation. Ils s'inscrivent dans la lignée des travaux relatifs à la description, l'analyse, l'explication et la compréhension des processus d'enseignement apprentissage contextualisés. Ils recherchent des structures et des processus mis à l'œuvre au sein de la pratique et visent la compréhension d'un cadre organisateur et intégrateur de la pratique.

Elements bibliographiques

Bandura, A.(2002). Autoefficacité. Le sentiment d'efficacité personnelle. Bruxelles : De Boeck.

Carré, P.&Caspar, P.(2011). Traité des sciences et techniques de la formation. Paris : Dunod.

 De Almeida Carapato, E. & Petot, J-M. (2004). L'intérêt clinique du concept d'efficacité personnelle. Savoirs, Hors série, 135-145.

Roegiers, X., (2000). Une pédagogie de l'intégration : compétences et intégration des acquis dans l'enseignement. Bruxelles, De Boeck.