4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

Outils de recherche > Chercher une contribution par auteur > Roure-Niubó Jorgina

Les voies de la professionnalisation de l'enseignement supérieur en Espagne : entre développements exogènes et transformations endogènes
Mehdi Boudjaoui  1, 2@  , Jorgina Roure-Niubó@
1 : Boudjaoui  (MB)  -  Site web
Université de Lille 1
Université de Lille 1 -  France
2 : Centre interuniversitaire de recherche en éducation de Lille  (CIREL)  -  Site web
Université Lille I - Sciences et technologies : EA4354, Université Lille III - Sciences humaines et sociales : EA4354
Département Sciences de l'éducation et de la formation des adultes Laboratoire Trigone-CIREL bâtiment B5/6 - cité scientifique 59655 Villeneuve d'Ascq cedex - France -  France

La notion de professionnalisation n'est pas facile à cerner car elle peut faire l'objet de multiples usages scientifiques (Bourdoncle, 2000) et sociaux (Wittorski, 2007). Parmi les trois acceptions que Wittorski (2008) propose, nous nous intéressons à la professionnalisation de la formation en tant que discours, pratiques éducatives, et processus de développement professionnel des individus. Dans ce champ de recherche, la question de la professionnalisation de l'université a fait l'objet de multiples travaux en France. En termes historiques, si nous retrouvons en France le modèle ancien de l'universitarisation de formations à une profession comme dans les facultés de droit et de médecine (Bourdoncle, 1994), le développement d'un enseignement supérieur professionnalisé s'est fait d'abord en dehors de l'université avec la création par Napoléon du modèle élitiste des Grandes Ecoles. Ensuite, à partir des années 1960, l'Etat va créer avec la massification universitaire un nombre important de diplômes professionnalisés qui vont générer une offre de formation peu régulée au niveau local (Mignot Gérard, Musselin, 2001), et ce bien avant les injonctions européenne à la professionnalisation (processus de Bologne et Lisbonne). Ces diplômes vont reprendre certains traits du modèle des Grandes Ecoles : sélection à l'entrée, curricula rédigés à partir de savoirs professionnels et de compétences, stages pratiques et parfois alternance, intervenants issus du monde professionnel, etc. (Bourdoncle, 2000 ; Rose 2008). Néanmoins, plusieurs recherches empiriques vont démontrer que cette professionnalisation va s'avérer le plus souvent superficielle. La « logique de l'offre » académique va persister au détriment d'une « logique de la demande » professionnelle (Mignot-Gérard, Musselin, 2001 ; Maillard et Veneau, 2003), et les pratiques pédagogiques et didactiques vont peu évoluer même, avec l'extension de l'alternance sous contrat de travail au début des années 2000 (Le Boterf, 2008 ; Hahn et al. 2008). Ce phénomène fait dire à Barbier et Wittorski (2015) que la professionnalisation pour les milieux de formation relève également de l'affichage social. Peut-on retrouver ces mêmes caractéristiques dans un autre contexte ? Avec le taux de chômage des moins de 25 ans le plus élevé de l'union européenne et de la zone OCDE (Eurostat, 2012), l'Espagne vit une crise sociale sans précédent au niveau de sa jeunesse. Cette situation amplifie d'autres phénomènes : émigration, déclassement des diplômés, etc. Certes, les causes sont d'abord conjoncturelles avec l'effet cumulé des crises économiques de 2008 et 2010, et des politiques d'austérité. Pour l'OCDE (Scarpetta, Sonnet et Manfredi, 2010), les causes sont aussi structurelles avec une formation en alternance peu développée, et un enseignement supérieur massifié et peu professionnalisé. De manière générale, en dehors de quelques exceptions, la transition entre les études et le travail reste mal organisée au niveau postsecondaire en Espagne ; même si la durée des stages pratiques à l'université a été accrue récemment par l'Etat central. L'enseignement supérieur espagnol est donc soumis aux mêmes exigences supranationales de professionnalisation que la France (Barbier et Wittorski, 2015), mais avec une volonté réformatrice moins affirmée dans les politiques éducatives nationales. En retenant l'alternance sous statut salarié dans l'enseignement supérieur comme analyseur, nous souhaitons comprendre les formes que peut revêtir, dans un état décentralisé comme l'Espagne, la professionnalisation de l'enseignement supérieur. A cette fin, nous avons analysé de manière comparative deux cas (Yin, 1989) d'expérimentation locale dans lesquels nous avons mené des entretiens qualitatifs avec les principaux acteurs. Le premier cas est la création en dehors de l'institution universitaire d'une école d'ingénieurs en alternance, l' Instituto Máquina Herramienta (IMH), par les acteurs socio-économiques d'un territoire industriel en reconversion du Pays basque. Ce cas constitue une forme exogène de professionnalisation de l'enseignement supérieur. Le second cas est l'université d'une ville moyenne de Catalogne : l'Universitat de LLeida. Cette fois ce sont des acteurs universitaires qui ont mobilisé un réseau d'entreprises agroalimentaires et de transport du territoire afin d'expérimenter un master alterné en logistique. Ce second cas constitue une forme de professionnalisation endogène de l'Université. A partir de ce dernier terrain, nous souhaitons approfondir l'analyse dans une perspective de pédagogie universitaire (De Ketele, 2010) en nous intéressant aux effets du dispositif sur le développement professionnel des apprenants.

 

Barbier J.-M. et Wittorski R. La formation des adultes, lieu de recompositions ? Revue française de pédagogie [En ligne], 190 | janvier-février-mars 2015, mis en ligne le 31 mars 2015, consulté le 11 janvier 2016. URL : http://rfp.revues.org/4672

Bourdoncle R (2000). Professionnalisation, formes et dispositifs. Recherche et Formation, n°35.

Bourdoncle R. (1994). L'Université et ses professions. Paris : l'Harmattan.

De Ketele J.-M. (2010). La pédagogie universitaire : un courant en plein développement. Revue française de pédagogie.

Eurostat (2012). Communiqué de presse. Euroindicateurs, consulté en 2012, http://ec.europa.eu/eurostat

 

Hahn C., Alexandre-Bailly F, Geay A. et Vignon C. (Dir.). Former les managers: Quand l'alternance s'invite dans le débat. Paris: Vuibert, 2008.

Le Boterf G. (2008). Des cursus professionnalisants ou par compétences à l'Université : enjeux, craintes et modalités. Actualité de la formation permanente, n°209.

Maillard D. et Veneau P. (2006). Les licences professionnelles. Formes et sens pluriels de la professionnalisation à l'Université. Sociétés Contemporaine, 2006, n°62.

Mignot-Gérard S. et Musselin C. (2001). L'offre de formation universitaire : à la recherche de nouvelles régulations. Éducation et Sociétés, n°8.

Rose J. (2008). La professionnalisation des études supérieures. Tendances, acteurs et formes concrètes. Relief échanges du CEREQ, n°25.

Wittorki R. (2007). Professionnalisation et développement professionnel. Paris : L'harmattan.

Wittorski R. (2008). Professionnaliser la formation : enjeux, modalités, difficultés. Formation Emploi, n°101.

Yin, R. (1984, réed.1989). Case study research, Design and methods. Newbury Park. CA : Sage.


Personnes connectées : 1