4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Un nouveau regard sur la problématique du stress d'évaluation scolaire
Victoria Prokofieva  1@  , Pascale Brandt-Pomares  1@  , Jean-Luc Velay  2@  , Jean-François Hérold  1@  , Svetlana Kostromina  3@  
1 : Aix Marseille Université, ENS Lyon, ADEF EA 4671, 13248, Marseille, France  (EA 4671 ADEF)  -  Site web
Aix-Marseille Université - AMU
32, rue Eugène Cas, CS 90279-13248 MARSEILLE cedex 04 -  France
2 : Laboratoire de Neurosciences Cognitives (LNC), UMR 7291 CNRS  (LNC)  -  Site web
CNRS : UMR7291
Pole 3 C Case C 3 Place Victor Hugo 13331 Marseille Cedex 3 -  France
3 : Saint Petersburg State University  -  Site web
7-9, Universitetskaya nab., St.Petersburg, 199034, Russia -  Russie

L'évaluation et la notation des élèves font encore l'objet de débats dans la communauté éducative (Merle, 2014, Endrizzi & Rey, 2008, Houchot et al., 2013, Rey & Feyfant, 2014). Les recherches étudient l'évaluation et son rôle dans le système éducatif. Leurs conclusions restent ambigües quant à l'efficacité de l'évaluation, en particulier celle de l'évaluation sommative, et de son rôle dans l'apprentissage. En effet, d'un côté elle est censée « estimer les connaissances et compétences des élèves, diagnostiquer leurs difficultés, mesurer ce qu'ils ont appris à la fin d'une phase de formation, accompagner leur progression, certifier l'acquisition de connaissances et de compétences » (Conférence nationale sur l'évaluation des élèves, Ministère de l'Education Nationale, 2014) ; mais d'autre part, les multiples études de terrain avancent une thèse qui semble plus révélatrice :« Ce que «mesure» l'évaluation, c'est en grande partie... l'effet de l'évaluation sur l'apprentissage » (Rey & Feyfant, 2014). Les situations de contrôle créent une « pression évaluative » (Merle, 2005) et plusieurs ouvrages rapportent la tension et la peur que les élèves y subissent (Butera et al., 2011 ; Hadji, 2012). Cela interroge l'efficacité de l'évaluation en tant qu'instrument de mesure réel des connaissances construites par l'élève avant d'être un marqueur social de discrimination. Encore aujourd'hui, l'évaluation et les attentes sociales par rapport à la notation sont considérées par plusieurs chercheurs comme une des causes majeures du stress d'évaluation qui contribuent au stress scolaire ainsi qu'aux problèmes liés à la motivation des élèves ce qui peut les amener jusqu'au décrochage scolaire (Putwain, 2008, Merle, 2012, Houchot et al., 2013)

La question qui se pose est de savoir quelle est l'influence du stress d'évaluation sur l'activité cognitive, les processus d'apprentissage, et plus précisément, dans le cadre de notre recherche, dans la restitution des connaissances. Pour ne pas stigmatiser l'évaluation comme étant une source d'états émotionnels seulement négatifs, notre méthodologie permet d'effectuer une expérimentation dans des conditions scolaires réelles. Nous fixons notre attention sur les données des réactions physiologiques et psychologiques que les élèves manifestent pendant une évaluation afin de voir quelle est la nature de l'influence du stress d'évaluation sur leurs performances en termes de connaissances exactes activées et de déroulement de l'activité cognitive par la mesure du temps de réponse.

Nous partons des apports théoriques tout en prenant en compte les difficultés méthodologiques autour du thème de l'influence du stress causé par l'évaluation et autres états émotionnels qui en découlent, plus particulièrement l'anxiété d'évaluation (Wigfrid, 1989, Zeidner, 1998, Putwain, 2008, Butera et al., 2011 ; Hadji, 2012), sur la performance cognitive des élèves et son influence à la baisse des résultats scolaires. A partir de cet état des lieux nous proposons une nouvelle discussion sur le problème du stress d'évaluation, en tenant compte des apports des neurosciences. De ce fait, nous portons un regard nouveau sur le problème du stress d'évaluation en faisant appel à l'interdisciplinarité par le maillage de territoires de recherche segmentés (didactique, psychologie cognitive, neurosciences).

Nous avons ainsi réalisé deux expérimentations en Russie, pour lesquelles nous avons choisi une tâche scolaire mobilisant des connaissances scientifiques et technologiques. Cette tâche, issue du programme faisant partie du curriculum scolaire, met notamment en œuvre le processus cognitif de la catégorisation. Nous avons testé avec succès la nouvelle méthode de mesures du stress-réponse par la mesure des intervalles R-R de la variabilité de fréquence cardiaque (VFC) à distance et sans fil lors d'un test réalisé par les élèves en classe.

Les résultats de ces expériences permettent de faire une analyse de plusieurs facteurs qui produisent le stress, comme par exemple le temps limité, la difficulté de la tâche ou, encore, la consigne évaluative donnée par le professeur. Il est confirmé que le fait de savoir qu'ils vont être notés induit chez les élèves une augmentation du nombre et de la durée des périodes de stress physiologique (changements de rythme cardiaque). Ce stress est néfaste à la performance des élèves car il se traduit par un nombre moins important de réponses correctes à l'épreuve de catégorisation. Il semble en outre qu'en présence du stress, l'effet d'apprentissage de la tâche de catégorisation proposée soit moindre car les élèves sont moins efficaces pour effectuer cette tâche ensuite, même dans des conditions qui sont a priori non stressantes.

 

Références bibliographiques:

Butera, F., Buchs, C., & Darnon, C. (2011). L'évaluation, une menace. Paris Presses Universitaires de France-PUF, 140.

Endrizzi, L., & Rey, O. (2008). L'évaluation au cœur des apprentissages. Dossier d'actualité Veille et Analyses, n°39, novembre.

Hadji, C. (2012). Faut-il avoir peur de l'évaluation? Bruxelles: De Boeck.

Houchot, A., Thollon, F., Charbonnier, D. et al. (2013). La notation et l'évaluation des élèves éclairées par des comparaisons internationalistes. Paris : Inspection générale de l'éducation nationale.

Merle, P. (2014). L'évaluation par les notes: quelle fiabilité et quelles réformes? Regards croisés sur l'économie, (2), 218-230.

Merle, P. (2005). L'élève humilié: L'école, un espace de non-droit? Paris : Presses universitaires de France.

Parin, S. B., Bakhchina, A. V., & Polevaia, S. A. (2014). A neurochemical framework of the theory of stress. International Journal of Psychophysiology, 2(94), 230.

Putwain, D.W. (2008). Examination stress and test anxiety. The psychologist. Vol.21, 1026-1029.

Rey, O. & Feyfant., A. (2014). Évaluer pour (mieux) faire apprendre. Dossier de Veille de l'IFÉ, (94).

Sarason, I.G. (1984). Stress, anxiety and cognitive interference: Reactions to tests. Journal of Personality and Social Psychology, 46(4), 929–938.

Thayer, J. F., Ahs, F., Fredrikson, M., Sollers, J. J., & Wager, T. D. (2012). A meta-analysis of heart rate variability and neuroimaging studies: Implications for heart rate variability as a marker of stress and health. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 36(2), 747 756.

Wigfield, A., & Eccles, J. (1989). Test Anxiety in Elementary and Secondary School Students. Educational Psychologist 24, №2: 15983.

 Zeidner, M. (1998). Test anxiety: The state of the art. Springer Science & Business Media.


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