4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Le rôle de la littérature dans les livres de lectures de l'école obligatoire : comparaisons en Suisse alémanique et Suisse romande
Bernard Schneuwly  1@  , Christophe Ronveaux  2, 3@  
1 : GRAFE, Université de Genève
2 : Université de Genève  (FAPSE)
40, bvd du Pont d'Arve 1211 Genève -  Suisse
3 : GRAFE

Comme le dit pertinemment le grand spécialiste de la comparaison des littératures francophones et germanophones (Minder, 1992), les livres de lecture sont des outils essentiels de la transmission de la culture d'une génération à l'autre. Leur analyse comparative constitue dès lors une voie pour décrire quelle culture littéraire est transmise et, ce faisant, quel rapport à la littérature et plus généralement à la langue est construit durant la scolarité obligatoire.

La présente étude exploite une base de données comprenant les livres de lecture obligatoires (en Suisse, les cantons imposent en grande partie les moyens d'enseignement) de 3 cantons suisses romands et de 3 cantons suisses alémaniques, utilisés entre 1870 et 1990 dans des classes pour des élèves de 10 à 15 ans dans les degrés appelés « intermédiaire » (ou « moyen ») et « supérieur ». A partir d'un choix ciblé de livres retenus dans cette base selon des critères de représentativité des degrés scolaires et des périodes (avant 1900, entre deux guerres, après les réformes des années 1970) - une vingtaine pour chaque région –, nous analyserons quelle place y occupe la littérature (définie comme corpus de textes communément reconnus comme tels) et le type de littérature proposé. L'analyse se fera à partir des tables des matières : tous les titres et auteurs sont répertoriés dans des fichiers Excel, avec des caractéristiques pour tous les auteurs (date de naissance, nationalité) et une catégorisation des textes en genres et par leur longueur.

L'hypothèse que nous allons vérifier : le rôle de la littérature est prépondérant en Suisse romande, marginal en Suisse allemande durant les deux premières périodes distinguées plus haut (pour une analyse de l'évolution des livres de lecture en France, voir Hebrard & Chartier, 2000 ; pour l'Allemagne, Helmers, 1970). Une première exploration montre en effet que les livres de lecture suisses romands, parfois explicitement intitulés « choix de textes littéraires », comprennent pour l'essentiel des auteurs reconnus comme auteurs littéraires : durant la première période, surtout des extraits d'auteurs dits « classiques » sous forme d'une « chrestomathie » ; durant la deuxième période des auteurs du 19e et début 20e siècle, avec une forte présence d'auteurs littéraires régionaux auxquels s'ajoute une littérature pour la jeunesse. En Suisse alémanique, de très nombreux textes sont écrits ad hoc pour les livres de lecture avec des extraits de littérature de jeunesse, à forte coloration morale. Les différences entre les deux régions s'estompent durant la troisième période qui voit des deux côtés de la Sarine – rivière emblématique qui sépare les deux régions – une diversification marquée des genres de textes (presse, textes fonctionnels, bandes dessinées, etc.), une internationalisation du choix d'auteurs littéraires et un ancrage plus explicite des textes dans leur contexte d'origine.

Quelques réflexions plus générales sur le statut de la littérature dans la définition du rapport à la langue à travers sa médiation par la littérature concluront l'étude.

 

Références :

Hebrard, J. & Chartier, A.-M. (2000). Discours sur la lecture (1880-2000). Paris : Fayard.

Helmers, H. (1970). Geschichte des deutschen Lesebuches in Grundzügen. Stuttgart : Klett.

Minder, R. (1992). Das Lesebuch als Explosionsstoff. Dargestellt an französischen und deutschen Beispielen. In Die Entdeckung deutscher Mentalität (pp. 156-171). Leipzig : Reclam.


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