4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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"Gamifier" un quiz – Effets graduels sur la performance, l'immersion et la perception de compétence
Nathalie Le Maire  1@  , Marie-Laure Fauconnier, Catherine Colaux, Dominique Verpoorten@
1 : Gembloux Agro-Bio Tech - Université de Liège  (ULg)

Dans un contexte marqué par l'arrivée d'une génération pour laquelle les technologies, les réseaux sociaux et les jeux en ligne relèvent de l'évidence (Stein, 2013; Weiler, 2004), le jeu a souvent été qualifié de véhicule d'une pédagogie rendant l'étudiant acteur de son apprentissage, conférant une dimension de défi aux activités éducatives et générant une motivation intrinsèque (Foster, 2008; Kang & Tan, 2008; McFarlane et al., 2002; Mitchell & Savill-Smith, 2004; Papastergiou, 2009). Ce potentiel éducatif du jeu a cependant été souvent associé à des jeux immersifs (de Freitas, 2006) requérant la mise en œuvre d'une trame narrative et dont le développement peut s'avérer couteux. L'utilisation de mini-jeux est considérée comme une solution alternative à ces « serious games » complexes car ils permettent d'enseigner un grand nombre de concepts tout en générant de faibles coûts de développement (Illanas, Gallego, Satorre, & Llorens, 2008). Ceux-ci présentent des règles basiques, sont faciles à jouer et conçus comme objets d'apprentissage de sorte qu'il soit aisé pour l'étudiant de percevoir les informations essentielles et que leur pratique soit bénéfique pour l'apprentissage (Frazer, Argles, & Wills, 2007).

La gamification, à savoir la transposition des principes issus de l'univers du jeu au domaine de l'éducation (Deterding, Dixon, Khaled, & Nacke, 2011), ne porte donc pas ici sur des jeux de simulation immersifs mais vise plus réalistement la transposition à des activités d'apprentissage d'un certain nombre de principes et de leviers à l'œuvre dans des mini-jeux populaires tel que Candy Crush.

La question de recherche qui a guidé l'expérience décrite ci-après concerne l'évaluation du potentiel pédagogique de l'utilisation d'un mini-jeu de ce type dans un cours de chimie générale en complément des supports pédagogiques plus classiquement utilisés en première année d'université.

Concrètement, ce mini-jeu appelé « Atomica » se présente comme un quiz d'entrainement portant sur un chapitre réputé difficile du cours, l'atomistique. Ce quiz a fait l'objet de quatre versions activant chacune un nombre croissant d'éléments de gamification (indiqués en gras) décrits par plusieurs auteurs comme étant les « ingrédients » ou « building blocks » d'un bon jeu (Bunchball Inc., 2010; Dignan, 2011; Reeves & Read, 2013) :

- La version contrôle du QCM se présente comme similaire aux évaluations formatives couramment utilisées à l'université ;

- La version 1 segmente le QCM en six niveaux de difficulté ;

- La version 2 ajoute un feedback automatisé aux niveaux de difficulté ; 

- La version 3 présente une version maximaliste de la gamification puisque, aux éléments précédents, elle ajoute un compte à rebours, des indices dont l'appel engendre une perte de points, un classement des meilleurs joueurs et un indicateur social (possibilité de se situer par rapport à la communauté de joueurs).

Ce choix d'un dispositif graduel se justifie notamment par l'intérêt pour la détection d'un seuil à partir duquel l'ajout d'éléments de gamification fait basculer la perception d'un quiz habituel vers un artefact relevant du mini-jeu et générant ainsi un état de flow chez le joueur.

Chaque version a été soumise à un groupe d'une trentaine d'étudiants, selon une procédure expérimentale contrôlée, avec pour objectif la collecte de données (en cours) sur :

- L'état de flow ou expérience optimale engendré par chacune des versions (orientation comparative) défini comme un état subjectif de bien-être (Csikszentmihalyi, 1990) engendrant une immersion totale dans l'activité. Afin de mesurer le flow, une échelle spécifique aux jeux éducatifs (EGameFlow) développée en 2009 (Fu, Su, & Yu, 2009) a été utilisée dans le cadre de cette étude.

- Une des trois composantes du modèle de la dynamique motivationnelle de Viau, la perception du sentiment de compétence (Bandura, 1993; Pajares, 2014) considéré comme un moteur essentiel à l'apprentissage et un déterminant de l'intérêt pour une discipline scolaire.

- La performance à un test de connaissance soumis aux étudiants avant et après l'expérience de jeu.

Les motivations sous-tendant le processus d'exploration des mini-jeux sont à chercher du côté d'un certain discours pédagogique qui prône l'inscription d'une dimension ludique dans les apprentissages en enseignement supérieur. Nourrie par ses résultats expérimentaux, la communication proposera un retour réflexif plus général sur la valeur, les limitations et les conditions de réalisation de ce discours.

 

Bandura, A. (1993). Perceived self-efficacy in cognitive development and functioning. Educational Psychologist28(2), 117–148.

Bunchball Inc. (2010). Gamification 101: An Introduction to the Use of Game Dynamics to Influence Behavior. White paper.

Csikszentmihalyi, M. (1990). Flow: The psychology of optimal experience. New York: Harper and Row.

de Freitas, S. (2006). Learning in immersive worlds. A review of game-based learning. London : Joint Information Systems Committee.

Deterding, S., Dixon, D., Khaled, R., & Nacke, L. (2011). From game design elements to gamefulness : Defining “gamification.” In 15th International Academic MindTrek Conference: Envisioning Future Media Environments (pp. 9–15).

Dignan, A. (2011). Game frame: Using games as a strategy for success. Simon and Schuster.

Foster, A. (2008). Games and motivation to learn science: personal identity, applicability, relevance and meaningfulness. Journal of Interactive Learning Research19(4), 597–614.

Frazer, A., Argles, D., & Wills, G. (2007). Is less actually more? The usefulness of educational mini-games. In Seventh IEEE International Conference on Advanced Learning Technologies (ICALT 2007) (pp. 533–537).

Fu, F.-L., Su, R.-C., & Yu, S.-C. (2009). EGameFlow: A scale to measure learners' enjoyment of e-learning games. Computers & Education52(1), 101–112.

Illanas, A. I., Gallego, F., Satorre, R., & Llorens, F. (2008). Conceptual mini-games for learning. In IATED International Technology, Education and Development Conference. Valencia.

Kang, B., & Tan, S. (2008). Impact of digital games on intrinsic and extrinsic motivation, achievement, and satisfaction. In Society for information technology & teacher education international conference (Vol. 2008, pp. 1825–1832).

McFarlane, A., Sparrowhawk, A., & Heald, Y. (2002). Report on the educational use of games. Cambridge.

Mitchell, A., & Savill-Smith, C. (2004). The use of computer and video games for learning : A review of the literature. London: Learning and skills development agency.

Pajares, F. (2014). Self-efficacy beliefs in academic settings. Review of Educational Research66(4), 543–578.

Papastergiou, M. (2009). Digital game-based learning in high school computer science education: Impact on educational effectiveness and student motivation. Computers & Education52(1), 1–12.

Reeves, B., & Read, J. L. (2013). Total engagement: How games and virtual worlds are changing the way people work and businesses compete. Harvard Business Press.

Stein, J. (2013). The me me me generation. TIME Magazine, 20.

Weiler, A. (2004). Information-seeking behavior in generation Y students: motivation , critical thinking , and learning theory. The Journal of Academic Librarianship31(1), 46–53.


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